Avec la quantité de lave-glace qu'il avait ingurgitée entre le 20 et 21 février 2009, Guy Turcotte serait certainement mort s'il n'avait pas reçu de soins médicaux.

Mais la mort aurait été longue à venir. Cela aurait pu prendre des jours.

C'est ce qui se dégage du témoignage que la toxicologue judiciaire Anne-Marie Faucher a livré, hier, au procès de Guy Turcotte. L'homme de 39 ans est accusé des meurtres prémédités de ses deux enfants, survenus le 21 février 2009, dans sa maison de Piedmont.

Après l'événement, Mme Faucher a fait les analyses de sang de M. Turcotte, ainsi que des prélèvements provenant des corps de ses enfants. Ces derniers n'ont pas été drogués avant d'être poignardés. En ce qui concerne M. Turcotte, la concentration d'alcool méthylique qu'il avait dans le sang à 12h27, le 21 février 2009, alors qu'il venait d'arriver à l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, était de 310mg, par 100 ml de sang. C'est une très grande quantité, une quantité létale s'il n'avait pas reçu de soins, est d'avis Mme Faucher. Le méthanol contenu dans le liquide lave-glace devient hautement toxique lorsqu'il est métabolisé par l'organisme humain. Il est d'abord transformé en formaldéhyde, puis en acide formique. Cela prend entre 6 et 30 heures pour que les effets toxiques se manifestent. Une quantité de 30 ml (1once) de méthanol pur rend aveugle. De 70 à 100 ml de méthanol pur va tuer une personne, si elle ne reçoit pas de soins, a aussi expliqué Mme Faucher. Le contenant de lave-glace retrouvé chez M. Turcotte avait une capacité de 3,87 litres, et avait une concentration de méthanol de 35%. En boire 250 à 300 ml, soit un peu plus d'une tasse, entraînerait le décès, selon Mme Faucher. Il n'en restait environ qu'un sixième dans le bidon, lorsque les policiers sont arrivés. On ignore cependant s'il était plein quand M. Turcotte en a bu.

Limites de l'analyse

Les analyses de Mme Faucher ne lui permettent pas d'établir le moment où M. Turcotte a consommé le lave-glace. Mais forcément, il en a bu beaucoup.

Mme Faucher ne pouvait être très précise pour certaines données, parce qu'il existe peu de littérature sur le sujet. Étant donné la toxicité, les chercheurs ne peuvent mener d'expériences avec des volontaires, a-t-elle signalé. La littérature se base sur des cas malheureux, des cas réels vécus. Mais il n'y en a pas beaucoup. Ce n'est manifestement pas une méthode de suicide très prisée. En huit ou neuf ans, elle a eu connaissance de trois cas au Centre de médecine légale de Montréal.

Comme l'alcool contenu dans la boisson consommable, le méthanol est un dépresseur du système nerveux central. Mais ses effets cognitifs (par exemple, la démarche chancelante, l'euphorie, la désinhibition...) sont cependant beaucoup plus faibles, a relevé Mme Faucher. «C'est comme boire une bière ou deux», a-t-elle dit. Mais ce n'est pas bon pour le système digestif. La personne a des nausées, des maux de ventre, une vision trouble...

En contre-interrogatoire, Me Pierre Poupart a fait ressortir que pour soigner quelqu'un qui a consommé du méthanol, il fallait le «paqueter» à l'alcool éthylique. Les enzymes du foie cessent de métaboliser le méthanol, pour s'attaquer à l'alcool éthylique, qu'ils préfèrent. C'est le traitement qu'a reçu Guy Turcotte à l'Hôtel-Dieu.

Mme Faucher a aussi signalé qu'idéalement, il fallait dialyser la personne qui a consommé le méthanol. Lorsqu'il se trouvait à l'Hôtel-Dieu, le 21 février 2009, M. Turcotte répétait qu'il ne voulait pas de dialyse.

Le procès se poursuit ce matin avec la suite du contre-interrogatoire de Mme Faucher.