Même si les expulsions vers Haïti sont suspendues depuis le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, l'Agence des services frontaliers du Canada est déterminée à expulser le chef du gang de la rue Pelletier, Bernard Mathieu, alias Ti-Pon, vers son pays d'origine.

L'Agence compte demander au futur ministre fédéral de la Sécurité publique de faire une exception au moratoire toujours en vigueur dans le cas du caïd de 39 ans.

C'est ce que le représentant de l'Agence, Réjean Théberge, a annoncé, hier, devant la Commission de l'immigration alors que Mathieu tentait d'être libéré sous conditions d'ici à ce qu'une décision finale soit prise dans son dossier.

Gangstérisme

En janvier 2007, Ti-Pon a écopé de 10 ans d'emprisonnement pour trafic de drogues et gangstérisme. Il est le premier chef de gang de rue à avoir été reconnu coupable de gangstérisme au Canada.

En théorie, Mathieu devait sortir de prison le 21 avril dernier après avoir purgé les deux tiers de sa peine. Or, comme il fait l'objet d'une mesure d'expulsion, il a été arrêté sur-le-champ par l'Agence des services frontaliers du Canada.

Hier, le commissaire Michel Beauchamp lui a refusé sa libération sous conditions, jugeant qu'il représentait un «danger» pour la sécurité des Canadiens.

Le commissaire estime aussi que les risques de fuite sont trop élevés. «La probabilité est mince que vous vous présentiez de vous-mêmes à l'aéroport pour aller en Haïti», a-t-il insisté.

Craintes pour sa vie

Bernard Mathieu dit craindre pour sa vie s'il est expulsé vers Haïti en raison de la médiatisation de ses démêlés avec la justice. Il y a eu des échos jusque dans le petit pays des Antilles, soutient-il.

Arrivé au Canada avec sa famille à l'âge de 8 ans, il a perdu son statut de résident permanent en raison de sa condamnation criminelle. Un ordre d'expulsion a été lancé contre lui en juin 2010. Il a fait une demande de rester au pays pour motifs humanitaires pour laquelle il n'a pas encore reçu de réponse.

Garanties

L'avocat de Bernard Mathieu, Me Stéphane Handfield, s'explique mal pourquoi son client reste détenu compte tenu des garanties offertes au commissaire. Il rappelle que la norme dans ce genre de dossier est la libération sous conditions.

La famille de Mathieu était prête à déposer 10 000$. De plus, Mathieu serait allé vivre en maison de transition, où il aurait eu un couvre-feu à respecter, conformément à ses conditions déjà imposées par la Commission nationale des libérations conditionnelles.

«Depuis mon incarcération, je n'ai rien à me reprocher. Je vais suivre le meilleur chemin qui existe», a témoigné le principal intéressé, hier. Il se dit conscient des torts qu'il a causés à la société, mais il nie toujours avoir fait partie d'une organisation criminelle.

L'homme de 39 ans dirigeait un prolifique réseau de trafic de stupéfiants à Montréal-Nord. Ses soldats vendaient de la cocaïne importée d'Haïti en face d'une école secondaire. Son gang était «neutre», c'est-à-dire qu'il faisait affaire autant avec des gangs d'allégeance rouge qu'avec leurs ennemis, les Bleus, selon la preuve révélée lors de son procès.

«Je veux aller faire des conférences dans les écoles pour éviter aux jeunes d'emprunter le même parcours que moi», a-t-il insisté. Le commissaire lui a répondu qu'il n'était pas là pour juger de sa «réhabilitation», mais bien, pour évaluer les risques de fuite et de danger pour la société canadienne.