La prison obligatoire pour tous ceux qui ont commis des sévices graves, comme le commande le Code criminel depuis 2007, est une disposition excessive, qui abolit la discrétion judiciaire et viole la Charte des droits et libertés.

C'est l'opinion du juge Valmont Beaulieu, de la Cour du Québec, qui a déclaré inconstitutionnels les articles 742.1 et 752 du Code criminel, dans un volumineux jugement rendu hier à Saint-Jérôme.

Selon le magistrat, les peines à purger dans la collectivité doivent s'appliquer dans certains cas, et c'est au juge d'en décider. Autrement, aussi bien mettre un ordinateur à la place du juge. C'est ainsi que Kevin Perry, qui a plaidé coupable à des accusations de conduite dangereuse ayant causé la mort et des blessures lors d'une course de rue, a été condamné à une peine de deux ans moins un jour à purger dans la collectivité.

Une course folle

Les faits sont survenus le 10 octobre 2008 à Sainte-Anne-des-Plaines. Perry, âgé de 19 ans à ce moment, a fait la course avec son meilleur ami, Éric Brown-Sarault. Chacun avait sa moto. Ils ont roulé à 120-140 km/h dans une zone de 50. Alors que Perry s'est arrêté avant une courbe, Brown-Sarault a continué et perdu la maîtrise de son bolide. Il est mort, tandis que sa passagère, Élisabeth Béland, a été gravement blessée.

Dans cette affaire, la procureure de la Couronne, Virginie Leblond, demandait une peine de pénitencier au motif que le tribunal était lié par la nouvelle définition de «sévices graves». De son côté, Me Louis Gélinas, en défense, demandait une peine à purger dans la communauté. Il a plaidé l'inconstitutionnalité des nouvelles dispositions au motif qu'elles violaient les articles 7, 9 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Pas une «peine bonbon»

Dans sa décision, le juge reconnaît que la conduite de Perry doit être sévèrement sanctionnée, mais il trouve que la prison, étant donné les circonstances, serait une peine disproportionnée. Certes, le jeune homme était adepte de la vitesse: deux mois avant le drame, il s'était fait prendre alors qu'il roulait à 212 km/h dans une zone de 100. Au moment des tragiques événements, il roulait sans permis, car il avait eu le maximum de points d'inaptitude. À l'époque, il se croyait invincible. Mais depuis, il s'est responsabilisé et a mûri. Il n'avait pas d'antécédents criminels, il poursuit ses études en administration et a une entreprise de lavage de vitres. Le dossier de personnalité du jeune homme est très positif, et même la mère du défunt a demandé la clémence pour le meilleur ami de son fils.

Après avoir analysé tous les aspects de l'affaire, le juge a opté pour le sursis, qui répond selon lui aux critères d'exemplarité et de dissuasion personnelle. «Contrairement à certaines expressions populaires qualifiant cette peine de «sentence bonbon» ou «sentence de salon», une peine avec sursis n'est pas une peine clémente... À cause de certaines modalités plus sévères, cette peine peut même être plus sévère qu'une peine de détention», lit-on dans le jugement.

Le juge Valmont Beaulieu insiste sur le fait que «le pouvoir judiciaire est étranger aux sondages, au désir d'être populaire et doit parfois même avoir du courage dans ses décisions». La souveraineté du Parlement lui permet d'adopter des lois, mais ces lois ne sont pas sans limites, note le juge, car la Charte des droits et libertés, en accordant des droits, impose des limites aux lois.

C'est la première fois au Canada que les nouvelles dispositions sont contestées sur le plan judiciaire. Me Louis Gélinas, qui a piloté le dossier, est bien heureux de sa victoire, même s'il sait que la partie adverse interjettera appel. Selon lui, les faits de cette cause se prêtaient à une telle contestation, car il s'agit d'un cas qui mérite une peine avec sursis. «C'est le juge qui est le mieux placé pour décider, pas les gens d'Ottawa. M. Harper ne connaît pas mon client.»