Croyant venir légalement au Canada comme immigrant en 2009, un jeune homme de Moldavie, Alexandre Popa, affirme avoir été contraint de mentir sur son passé, une fois ici, pour obtenir le statut de réfugié. C'est Yafim Goikhberg, vague consultant en immigration, qui lui a dit quoi dire et quoi faire.

C'est ce qui se dégage du témoignage que M. Popa a rendu hier au procès de Goikhberg. L'homme de 45 ans est jugé devant jury. Il est accusé sous une vingtaine de chefs de fraude, de vol, d'emploi de documents contrefaits et d'extorsion à l'endroit de huit personnes, toutes originaires de l'Europe de l'Est. Les faits se seraient déroulés entre 2006 et 2009. Même si le procès en est à sa troisième semaine, ce n'est qu'hier que le jury a pu entendre une victime. L'accusé, qui se défend lui-même, a contre interrogé pendant des jours les deux premiers témoins, un policier et une agente des Services frontaliers.

Fausse histoire

Âgé de 24 ans, M. Popa affirme qu'il a quitté son pays en juin 2009 après avoir fait affaire avec une entreprise d'immigration trouvée sur l'internet. On lui proposait de venir travailler au Canada. On lui demandait 7000$ pour les services d'immigration. À son arrivée à l'aéroport Montréal-Trudeau, il a été accueilli par M. Goikhberg, qui l'a installé dans un confortable appartement de trois pièces à Lachine et a pris les 7000$. Au cours des jours suivants, M. Goikhberg a emmené M. Popa au bureau de l'aide sociale, à l'immigration et à la Banque Canada Trust, pour lui ouvrir un compte. M. Goikhberg lui aurait demandé de ne pas poser de questions et de faire ce qu'il disait, sinon il serait expulsé. Il lui aurait remis des documents, dont un permis de conduire russe, alors que M. Popa n'avait pas de permis de conduire. M. Popa a signé les documents, qui donnaient de faux renseignements.

«Oublie la Moldavie, oublie ton passeport. Maintenant, tu t'appelles Christian Alexandre et tu viens de Russie. Tu dis que tu avais des problèmes avec la police là-bas parce que tu étais en opposition avec le président,» lui aurait dit M. Goikhberg. M. Popa affirme qu'il a obéi parce qu'il ne comprenait pas bien ce qui se passait, qu'il ne parlait pas la langue et qu'il avait peur. Trois autres personnes, apparemment dans la même situation, sont venues habiter avec lui dans l'appartement, a-t-il raconté.

M. Popa soutient qu'il n'a jamais empoché l'aide sociale lui-même et prétend que c'est l'accusé qui gérait son compte en banque. M. Popa espérait obtenir un permis de travail, qu'il n'a pas eu. À l'automne 2009, il a été convoqué à l'immigration, où on s'était rendu compte que les documents étaient faux. Il a été détenu de septembre à décembre 2009.

Le procès, qui avance lentement, se poursuit aujourd'hui et devrait durer encore plusieurs semaines. Ce qui n'arrange rien, l'accusé, qui est au Canada depuis 17 ans, exige la présence constante d'un interprète russe, qui doit tout traduire. Pourtant, M. Goikhberg semble avoir une bonne connaissance du français et de l'anglais puisqu'il lui arrive de répondre avant la traduction et même de corriger l'interprète.