Aux prises avec des procureurs de la Couronne qui boycottent la nouvelle unité anticorruption du gouvernement, le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, a indiqué jeudi qu'il a toujours espoir d'apaiser la colère des syndiqués.

Lors de la période des questions, M. Fournier a expliqué qu'il est normal qu'un certain temps soit nécessaire avant le retour d'un climat de travail serein.

«C'est évident que, lorsqu'il y a une situation de négociation qui amène à une grève et que ça devient un conflit, ça prend du temps ensuite pour ramener un climat serein, on le comprend, on le respecte», a-t-il dit en Chambre, en réponse aux questions de l'opposition officielle.

Selon le ministre, il est de sa responsabilité d'apaiser le courroux des procureurs et de s'assurer qu'ils sont satisfaits de leurs conditions de travail.

«Ma responsabilité, c'est d'assurer d'une part qu'il y ait un climat qui revienne, qu'ils aient des conditions de travail qui soient à la hauteur des besoins qu'ils ont, a-t-il dit. Ça, c'est le travail qu'on a.»

Mais le président de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (APPCP), Christian Leblanc, a posé ses conditions: le gouvernement doit retirer sa loi spéciale, qui a forcé cette semaine le retour au travail des procureurs en grève, et déposer des offres sur la table.

M. Leblanc a affirmé qu'au moins 420 des 450 procureurs de la Couronne se sont engagés à ne pas poser leur candidature à l'unité anticorruption, afin de protester contre les manières du gouvernement à leur égard.

«Les gens ont signé pour envoyer un message clair: vous avez décrété (nos conditions de travail), vous allez vivre avec les conséquences», a-t-il dit, lors d'une entrevue téléphonique.

Le président du syndicat a laissé entendre que la position de ses membres sera difficile à modifier et que M. Fournier devra poser des gestes concrets s'il souhaite que les procureurs abandonnent leur boycottage.

«S'il pense qu'avec le temps les gens vont rentrer dans les rangs et qu'ils vont oublier ça, je pense qu'il ne réalise pas dans quelle situation il se trouve», a-t-il dit.

Selon l'APPCP, une trentaine de procureurs seront nécessaires aux dossiers de la nouvelle unité. Une dizaine proviendront de l'opération Marteau, qui sera intégrée, mais l'embauche d'une vingtaine de procureurs sera nécessaire pour assurer un fonctionnement normal.

La semaine dernière, le gouvernement a annoncé la création d'une unité anticollusion, en réponse aux demandes d'enquête publique sur l'octroi de contrats et le financement des partis politiques.

Le gouvernement a voté lundi une loi spéciale décrétant la fin de la grève des procureurs ainsi que leurs conditions de travail, rejetant leurs demandes pour un rattrapage salarial qui les aurait rapprochés de la moyenne canadienne.

En Chambre, jeudi, la chef de l'opposition officielle, Pauline Marois, a déclaré que M. Fournier n'est plus l'homme de la situation.

«Est-ce que le premier ministre est conscient que son ministre de la Justice a lamentablement échoué dans son rôle de gardien de cette institution si fondamentale pour notre démocratie et qu'il n'a plus la crédibilité nécessaire pour redresser la situation?», a-t-elle demandé à Jean Charest.

M. Charest a soutenu que son gouvernement continuera de travailler à améliorer les conditions de travail des procureurs, avec M. Fournier, et le directeur des poursuites criminelles et pénales Louis Dionne, dont la démission a été demandée par les procureurs.

«Nous allons le faire avec un ministre de la Justice pour qui cette priorité est très importante, celui de l'administration de la justice, et avec Me Louis Dionne, qui fait très bien son travail également», a-t-il dit.