Le cyberprédateur Daniel Lesiewicz est un être «froid», «narcissique», «sans remords». Il doit être déclaré délinquant à contrôler puisque le risque de récidive est élevé.

C'est ce qui ressort du témoignage qu'a rendu hier la psychologue Tiziana Costi, de l'Institut Philippe-Pinel, au cours des plaidoiries sur la peine à infliger au cyberprédateur.

«Il a toujours cherché à combler ses besoins sans tenir compte des besoins des autres. C'est inquiétant», a souligné la psychologue, qui a passé près de 10 heures avec l'accusé pour parvenir à ces conclusions.

L'homme de 30 ans, toujours tiré à quatre épingles, avait un air tantôt amusé, tantôt indifférent dans le box des accusés. Au mois de mars dernier, il a plaidé coupable à 91 accusations liées à la pornographie et à l'extorsion sur le web, crimes survenus entre 2006 et 2008.

Il a fait quelque 200 victimes, dont 25 ont pu être identifiées. La plupart sont de jeunes filles âgées de 13 à 17 ans. Lesiewicz utilisait différentes identités sur l'internet pour leurrer les adolescentes. Il repérait ses victimes sur un site de clavardage et les incitait à offrir un spectacle érotique devant leur webcam. Il se faisait parfois passer pour une amie de la victime dont il imitait le profil. Il pouvait aussi voler l'identité d'une jeune femme qu'il avait déjà leurrée. Ou il disait carrément être un pirate informatique.

Lorsque ses victimes refusaient de donner un spectacle érotique (ce qui se produisait souvent), il les menaçait de fermer leur compte de messagerie, de «faire exploser» leur ordinateur, de pirater les cartes de crédit de leurs parents ou encore d'envoyer l'enregistrement à tous leurs contacts. Dans plusieurs cas, il a mis ses menaces à exécution.

Pas de remords

Daniel Lesiewicz est détenu depuis près de trois ans pour cette affaire, mais, malgré tout ce temps passé en prison, il ne reconnaît toujours pas la gravité de ses gestes, selon la psychologue. Son seul regret, c'est d'avoir causé du tort à ses parents en raison de la médiatisation de l'affaire.

La psychologue a aussi rencontré la mère de l'accusé, chez qui il habitait lorsqu'il a commis ses crimes. Elle a décrit son fils comme «une merveille», un homme «sensible» qui veut toujours «protéger» tout le monde. «On ne peut pas compter sur sa famille pour l'encadrer lorsqu'il sortira de prison, et il ne semble pas avoir d'amis», conclut la psychologue.

L'homme de 30 ans est narcissique, mais non psychopathe. «On n'a pas suffisamment d'éléments pour dire qu'il a une déviance sexuelle, mais on ne peut pas dire qu'il n'en a pas», dit la psychologue. Au cours de leurs entretiens, Lesiewicz lui a déclaré qu'il n'aurait pas agi de la sorte s'il était «né riche».

Cynthia Gyenizse, procureure de la Couronne, réclame une peine de 15 ans d'emprisonnement, dont il devrait purger la moitié avant d'être admissible à une libération. De plus, elle recommande au tribunal de le déclarer délinquant à contrôler pour la période maximale de 10 ans.

Le résidant de Dorval n'a pas d'antécédents judiciaires. Son avocat, Me Luc Vaillancourt, le dépeint comme un homme qui a «tourné les coins ronds» en voulant devenir riche. Il a fait valoir que son client avait eu l'idée d'ouvrir un site pornographique après avoir participé à un congrès à Las Vegas sur le sujet. La poursuite a toutefois répliqué que l'accusé n'avait pas fait un sou en 18 mois d'exploitation du site, donc que sa motivation ne devait pas être «seulement financière». Me Vaillancourt estime qu'une peine de moins de deux ans de prison suivie d'une période de probation serait appropriée pour son client, étant donné le temps déjà passé en détention préventive. La juge Suzanne Coupal doit rendre sa décision le 30 mars.