Patrick Lalancette se souvient très bien de l'accident. Il était assis à l'arrière de la camionnette et discutait de tout et de rien avec quelques-uns de ses collègues. Soudain, un autobus d'écoliers a surgi dans son champ de vision.

«Le bus était là, en face, a-t-il raconté. Je l'ai vu. Le temps de réaliser ce qui se passait, paf! On était dedans.»

Patrick Lalancette, 27 ans, est l'un des trois survivants de la tragédie routière qui a coûté la vie à cinq employés de la firme Pigeon 2006, mercredi dernier, à Sainte-Geneviève-de-Berthier, dans Lanaudière. Ironiquement, le jeune homme a étudié à l'école secondaire Pierre-de-Lestage, à Berthierville, où l'autobus d'écoliers se rendait.

La Presse l'a joint hier à l'hôpital du Sacré-Coeur, à Montréal. Comme le téléphone est loin de son lit et qu'il a encore de la difficulté à se tenir debout, il nous a invités à venir le rencontrer dans sa chambre, où il se remet tranquillement d'une opération au coeur.

Patrick Lalancette a été grièvement blessé. Au moment de l'accident, une côte lui a sectionné l'aorte, plus grosse artère du corps humain. Contrairement à d'autres de ses collègues, il portait sa ceinture de sécurité.

«La masse de l'autobus nous a arrêtés sec. Après, on était dans la poussière, a-t-il raconté. Trois d'entre nous étaient conscients, et les cinq autres étaient inconscients.»

Patrick Lalancette était tout à fait conscient. Et extrêmement souffrant. «J'avais du sang dans la bouche, a-t-il dit. Ma ceinture de sécurité était arrachée. La ceinture de Joce, qui était à côté de moi, avait aussi été arrachée.»

Joce, c'est Jocelyn Beauchamp, l'une des cinq victimes de l'accident. La conjointe de M. Beauchamp, Jessica Proulx, a dit à La Presse jeudi que l'impact avait cassé le cou de son amoureux, le laissant sans vie.

Patrick Lalancette ignore que Joce est mort. Il ignore également que son colocataire, Pierre-Luc Martel, et le conducteur de la camionnette, Sébastien Cormier, ont eux aussi perdu la vie. Il ne sait pas encore que les deux autres passagers qui avaient été transférés à l'hôpital du Sacré-Coeur, Steeve Larochelle et Gilles Chartier, ont également succombé à leurs blessures.

En fait, Patrick Lalancette n'a pas voulu avoir de nouvelles de ses collègues. Il n'a rien demandé aux membres de sa famille ni à son patron lorsque ces derniers lui ont rendu visite à l'hôpital. «C'est sûr que, tôt ou tard, je vais finir par le savoir, a-t-il dit. Mais j'aime mieux l'apprendre en groupe.»

Il a posé peu de questions à La Presse, hier. «Est-ce qu'il y en a qui s'en sont mieux sortis que moi?» a-t-il simplement demandé.

Patrick Lalancette devrait recevoir son congé de l'hôpital d'ici la semaine prochaine. Lorsque sa santé le lui permettra, il songe à retourner travailler pour Pigeon 2006, firme de chargement de volailles de Saint-Côme qui l'a embauché il y a quatre ans.

«J'ai seulement une troisième secondaire et je ne suis pas diplômé. Avec le temps, le poulet va revenir, c'est certain, a-t-il dit. Mais pour l'instant, je vais commencer par sortir de l'hôpital.»