La surcapacité, mère de nombreuses dérives, et la violence des «armoires à glace» que sont les portiers. Voilà les deux principaux problèmes du bar Le Moomba, de l'avis de la police de Laval, qui voudrait voir l'établissement rayé de la carte, alors que ses dirigeants aspirent plutôt à l'agrandir.

«Vous avez une clientèle qui a de la misère avec la tolérance. La place est pleine à craquer. Il y a 15-20 personnes qui attendent en file au bar. La piste de danse est remplie. C'est épaule à épaule. Quand leurs blondes se font toucher, il y en a qui deviennent irritables», a illustré le policier Kimon Christopoulos, hier, alors qu'il témoignait devant la Régie des alcools, des courses et des jeux. Entré au service de police de Laval en 2007, M. Christopoulos fait partie de «l'escouade nocturne». À ce titre, il patrouille dans les boîtes de nuit de Laval. Le Moomba, situé dans le complexe Centropolis et d'une capacité d'environ 1000 personnes, est celui qui cause le plus de problèmes, à son avis. Il y a même vécu l'un des deux événements les plus traumatisants de sa carrière.

Le 22 juin 2008, à 3h14, le policier et sa coéquipière, dépêchés au Moomba pour une affaire de menaces de mort contre les portiers du bar, se sont fait encercler par une centaine de personnes dans le stationnement de l'établissement. Le policier a demandé du renfort, mais aucune équipe n'était disponible. Selon lui, «ça brassait, ça criait». Alors que les policiers tentaient de passer les menottes à un type de forte corpulence, agressif et très intoxiqué, des gens se sont mis à tirer les policiers vers l'arrière par leur gilet pare-balles. Sa coéquipière a été poussée, et certains ont essayé de les désarmer. M. Christopoulos a vite demandé un back-up général, ce qui signifie que tous les autres policiers doivent voler à leur secours. Pendant ce temps, la coéquipière a demandé aux portiers du Moomba, qui regardaient la scène sans rien faire, de les protéger. Les sirènes ont finalement retenti.

«C'était le meilleur feeling au monde», a raconté le policier. Il était temps, selon lui, car dans les règles de progression de l'usage de la force, ils en étaient à devoir utiliser leur arme pour se frayer un chemin et sortir de leur fâcheuse position. Cela aurait pu tourner en affaire Villanueva très facilement, croit-il. «Ç'a été une leçon de vie. Il ne faut jamais aller là avec un seul véhicule. Notre sécurité est toujours compromise. J'ai compris qu'on est seuls à agir, il ne faut pas se fier aux portiers.»

Incidents violents

Le policier a aussi rapporté des incidents où des clients ont été durement battus par les portiers. Il dit avoir également constaté que des personnes du crime organisé italien et libanais fréquentent l'endroit. Entre 2002 et 2009, les policiers sont intervenus 377 fois au Moomba. En 2005, deux hommes y ont été tués.

En contre-interrogatoire, l'avocat qui représente les dirigeants du bar, Jean-Daniel Debroski, a fait ressortir que ses clients collaborent avec la police. Il y a des fouilles, des détecteurs de métal, des caméras, et les dirigeants apprécient la présence policière. Ils ont même demandé à «louer des policiers», mais ce service n'est pas offert, selon l'agent Christopoulos. Il admet que les portiers sont très polis avec eux. «Mais c'est après les événements qu'ils sont très polis», a-t-il précisé.

Jacques Gaspo, l'un des trois actionnaires de l'établissement, se désole de ce qu'il considère comme du dénigrement et brûle de présenter sa défense. Selon lui, Le Moomba est bien tenu, c'est l'endroit le plus populaire au Québec, peut-être même au Canada. «On refuse des centaines de personnes chaque soir», dit-il. Le bar serait en quelque sorte victime de son succès. «Le seul malheur, c'est qu'on manque de soutien.»

Dans cette affaire, Le Moomba s'est adressé à la Régie pour agrandir sa terrasse. La police de Laval s'y oppose et profite de l'occasion pour demander la fermeture de l'établissement, inauguré en 2002. L'audience, qui a duré toute la semaine, et au cours de laquelle plusieurs policiers ont témoigné, se poursuivra en avril.