«Légitime défense? Ne me parlez pas de ça, vous allez me faire rire.» Et lorsque Pierre St-Onge s'esclaffe, les plaies de sa récente opération à l'abdomen le font souffrir.

Joint mardi dans sa chambre de l'hôpital Sacré-Coeur, à Montréal, Pierre St-Onge avait peine à croire que son présumé agresseur, Vincenzo Pizzi, a parlé de «légitime défense» lors de sa brève comparution au palais de justice de Joliette, la veille.

St-Onge, 47 ans, est l'une des deux présumées victimes de Vincenzo Pizzi, l'homme accusé d'avoir poignardé deux de ses voisins samedi à Mascouche, dans Lanaudière.

«Comment peut-il parler de légitime défense? a demandé Pierre St-Onge, qui se remet d'une intervention chirurgicale au diaphragme. Il a essayé de me rentrer dedans avec sa camionnette pendant que je revenais du dépanneur avec une pinte de lait, puis il a sorti un couteau!»

À 25 kilomètres de là, l'autre victime, Jocelyn Mathieu, partageait les mêmes interrogations dans sa chambre de l'hôpital Pierre-Le Gardeur, à Lachenaie. «Depuis que j'ai entendu ça, hier soir, je bad trip», a résumé le travailleur de la construction de 43 ans.

Jocelyn Mathieu et Pierre St-Onge s'étonnent que Vincenzo Pizzi n'a pas été accusé de tentative de meurtre, comme l'avait laissé entendre dimanche la police de Mascouche. Il a été accusé lundi de onze chefs d'accusation, dont sept d'agressions armées. La Couronne a précisé que d'autres accusations pourraient être portées.

«J'ai parlé à l'enquêteur hier soir et il attendait de prendre la déclaration de Pierre, a dit Jocelyn Mathieu, les traits tirés par la douleur de son opération à l'intestin. En plus, la police n'a pas encore retrouvé l'arme du crime.»

Les deux victimes sont persuadées que le geste de leur agresseur était prémédité. Pierre St-Onge rappelle qu'il a porté plainte contre Pizzi pour menaces de mort en juillet. Le procès devait commencer en avril. Jocelyn Mathieu était le principal témoin dans cette affaire.

Un souvenir frais

Le souvenir de l'agression hante Jocelyn Mathieu, qui se réveille souvent pendant la nuit. Il se rappelle de la voiture de Pizzi qui fonce à toute allure vers son ami, qui venait de sortir de son garage. Il se souvient des cris de Pierre St-Onge pour l'avertir que l'agresseur avait un couteau.

«Il a foncé sur Pierre et ils sont tombés devant la porte du garage, a raconté Jocelyn Mathieu. Je me suis approché de lui pour lui faire la prise de l'ours, mais il s'est retourné et m'a poignardé à mon tour.»  St-Onge aurait alors saisi un manche de balai dans le garage pour faire fuir l'agresseur.

C'est avec la peur au ventre que les deux victimes appréhendent leur retour à la vie normale. «Je vis seul chez moi, j'ai mes deux enfants un week-end sur deux et il sait où je reste », a dit Jocelyn Mathieu, qui pourrait obtenir son congé mercredi.

«Les policiers n'ont pas pris nos plaintes au sérieux dans le passé, mais j'espère qu'ils vont nous prendre au sérieux, cette fois», a conclu Pierre St-Onge, qui en a encore pour quelques jours à l'hôpital.

Vincenzo Pizzi sera de retour devant le juge mercredi pour son enquête sur mise en liberté.