En sortant de leur traditionnelle soirée des Fêtes, la nuit du 4 décembre dernier, des avocats criminalistes auraient été rudoyés par des policiers, ce qui a provoqué consternation et incompréhension. Des recours contre deux policiers sont maintenant envisagés, a appris La Presse. De leur côté, les policiers n'écartent pas la possibilité de porter des accusations pour entrave à leur travail!

L'incident s'est produit un peu après 3h, devant le O Patro Vys, au 356, avenue du Mont-Royal Est, l'endroit où la fête s'est tenue. Selon des témoins, une vingtaine d'entre eux discutaient sur le trottoir avant de se séparer pour rentrer. Les uns parlaient de partager des taxis, d'autres projetaient d'aller manger un morceau avant. Certains se sont engouffrés justement dans un taxi qui allait vers l'est. C'est à ce moment qu'une voiture de police est arrivée et s'est placée à la hauteur du taxi. Le policier qui conduisait s'est mis à klaxonner avec insistance pour presser le taxi de circuler. Celui-ci n'était pas rangé le long du trottoir, selon un témoin. Quoi qu'il en soit, certaines personnes présentes auraient trouvé l'intervention policière intempestive et exagérée et se seraient mises à rire. Quelqu'un avec qui La Presse s'est entretenue dit avoir entendu une voix s'exclamer: «T'as pas rapport.» Il croit que c'était une voix de femme.

Le taxi a finalement démarré. Au lieu de continuer son chemin, la voiture de police s'est placée en travers de la rue et les agents sont rapidement descendus. Selon des témoins, ils se sont dirigés vers le «seul Noir» du groupe, un avocat de la défense d'une trentaine d'années. Le policier conducteur l'a agrippé en lui mettant un bras derrière le dos et l'a amené sur le capot de la voiture de police, puis s'est mis à le fouiller. L'homme concerné, qui préfère ne pas être identifié pour le moment, assure qu'il n'avait rien fait ou rien dit pour mériter un tel traitement. Il s'est senti humilié et injustement traité.

Contrôle de foule

Un autre avocat est intervenu et a dit quelque chose comme «Qu'est-ce qui se passe? Il n'a rien fait.» Ce dernier aurait reçu un coup de pied du même policier. Pendant ce temps, l'autre policier a déployé son bâton télescopique, pour contrôler la foule. Les policiers ont appelé du renfort. Un procureur de la Couronne, qui était de la fête, est intervenu avec insistance pour tenter de calmer le jeu. Certains se sont mis à filmer avec leur téléphone cellulaire.

Les gens dans la foule ont fait valoir qu'il n'y avait pas de raison d'intervenir de la sorte et ont signalé qu'il s'agissait d'avocats. «Mais, au début, les policiers ne le croyaient pas», a indiqué une personne qui était présente.

D'autres voitures de police sont rapidement arrivées pour seconder les premiers agents. Après maints palabres, l'affaire s'est terminée. Celui qui était immobilisé depuis plusieurs minutes sur la voiture a été relâché, mais il s'est fait remettre un constat d'infraction pour «tapage». Il a bien l'intention de contester cette contravention.

En sortant d'un bar à 3 h après une soirée du temps des Fêtes, on peut bien imaginer qu'il devait y avoir certains fêtards passablement éméchés. Mais, de l'avis des personnes interrogées, personne n'était «soûl mort», les gens s'apprêtaient à partir en taxi comme il se doit, l'ambiance était bonne, il n'y avait pas de bagarre et rien ne justifiait une intervention policière aussi agressive. Les avocats qui ont vécu l'envers du décor ce soir-là songent sérieusement à porter plainte. Selon eux, les policiers ont agi illégalement.

Policiers à l'aise

Du côté policier, on assure qu'on est à l'aise avec l'intervention qui a été faite. «On ne nie pas l'utilisation de la force, a indiqué le commandant du poste de quartier 38, Stéphane Bélanger. J'ai lu les rapports et, pour moi, c'est l'usage normal de la force. La police est intervenue à la fermeture des bars pour faire appliquer le règlement à quelqu'un qui avait crié sur le domaine public. Les policiers ont fait usage de la force pour repousser les gens qui tentaient d'entraver le travail policier. Pour ne pas envenimer la situation, les policiers n'ont arrêté personne, mais il n'est pas dit qu'il n'y aura pas d'accusation d'entrave.»

Le commandant est au courant que des vidéos ont été tournées avec des portables. «Les policiers ont mentionné que des citoyens filmaient avec insistance. On est habitués à travailler avec ça», a indiqué M. Bélanger. «Si les citoyens ne sont pas contents de l'intervention, ils peuvent se plaindre en déontologie», a ajouté le policier, qui a laissé entendre qu'à cette heure tardive, les citoyens avaient peut-être omis certains détails.