Le mystère le plus total entoure les causes de l'agression, vendredi soir, à Montréal, d'un cadre de Revenu Canada qui enquêtait sur la corruption au sein de cette agence.

Cet événement troublant survient alors que l'on apprend que six fonctionnaires du bureau montréalais ont été congédiés et trois autres suspendus sans solde.

La police de Montréal a confirmé qu'un homme de 55 ans avait été agressé, vendredi soir à minuit dix, alors qu'il se rendait à son véhicule, au coin des rues Drolet et Bellechasse, dans le quartier de La Petite-Patrie.

Selon des informations diffusées par Radio-Canada, il s'agit d'André Saint-Amand, directeur adjoint à la vérification aux bureaux de l'Agence de revenu du Canada (ARC), boulevard René-Lévesque Ouest. M. Saint-Amand est l'ancien directeur adjoint des enquêtes de l'ARC.

«Il a reçu plusieurs coups au visage et a souffert de lacérations», a indiqué à La Presse Daniel Lacoursière, porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal. M. Lacoursière a dit que l'agresseur, dont la police n'a aucune description, n'aurait pas prononcé un mot lors de cet assaut. Une plainte a été déposée par la victime dans ce dossier de «voies de fait».

Les ambulanciers n'ont pas été appelés sur les lieux, a indiqué un porte-parole d'Urgences Santé.

M. Saint-Amand venait tout juste de quitter le Buffet Anna-Maria, situé au 357 rue Bellechasse, lorsqu'il s'est fait attaquer. Il participait à une fête de bureau en compagnie de collègues. La femme du gérant a indiqué qu'elle n'avait eu aucune connaissance de l'événement.

«L'ambiance est assez lourde»

L'ARC a refusé de donner des détails. «La Loi sur la protection des renseignements personnels interdit à l'ARC de dévoiler tout renseignement personnel sur ses employés, a indiqué Noël Carisse, directeur adjoint des relations avec les médias pour l'ARC. Par conséquent, je ne peux pas faire de commentaires.»

Mais le vice-président régional du syndicat des employés de l'impôt, Sabri Khayat, a confié à La Presse que «l'ambiance est assez lourde» aux bureaux de Montréal depuis lundi matin. «Même si la raison de l'agression n'est pas claire, les employés sont inquiets .»

Le représentant syndical refuse toutefois de considérer le nombre de congédiements annoncés comme un «indice de corruption» au sein de l'agence qui compte 4000 employés au Québec. À sa connaissance, seuls deux congédiements sont reliés au dossier B.T. Céramique/Accurso. «On ne peut pas sauter aux conclusions trop vite. C'est un indice inquiétant, oui, et je le serai dix fois plus si ces personnes sont accusées et condamnées par la justice ultérieurement. Je n'ai jamais protégé des coupables.»

Corruption

Vendredi matin, La Presse avait publié un article sur la corruption à Revenu Canada. L'article révélait que plusieurs personnes avaient été suspendues ou congédiées par l'ARC à la suite des enquêtes sur des activités de fraude fiscale impliquant Francesco Bruno et des entreprises de Tony Accurso.

L'été dernier, à l'occasion d'une perquisition par la GRC, on a appris que deux chefs d'équipe de l'ARC, Adriano Furgiuele et Antonio Girardi, étaient actionnaires d'une firme (Delvex) qui produisait de faux documents pour aider à obtenir des crédits d'impôt pour recherche et développement.

Selon le mandat de perquisition, M. Furgiuele a participé à la falsification d'une vérification fiscale au profit de B.T. Céramique, propriété de Francesco Bruno. Les deux hommes sont cousins.

La GRC a été avisée de l'événement visant M. Saint-Amand parce qu'elle mène une enquête conjointe avec Revenu Canada sur la corruption présumée de certains fonctionnaires de l'agence fédérale. Cette enquête porte le nom de projet Coche.

Le député bloquiste Robert Carrier a questionné en vain le ministre du Revenu, Keith Ashfield, lundi à la Chambre des Communes. Il voulait savoir combien de fonctionnaires au total «sont visés par une enquête», leurs responsabilités et combien «d'entreprises ont pu profiter de la complaisance des individus corrompus sévissant à l'Agence du revenu.» Le ministre s'est borné à répondre qu'il allait «s'assurer que ses employés seraient en sécurité en tout temps.» Il a refusé de commenter davantage au prétexte qu'une enquête était en cours.