Les tests d'ADN ne laissent planer aucun doute: Rick est à la fois le père de Nadine* et le père de l'enfant qu'elle a eu il y a six ans. En plus d'abuser de sa propre fille, l'homme de 45 ans l'a battue, séquestrée et obligée à se prostituer avec des clients qu'il lui trouvait, selon le récit que Nadine a fait devant la Cour du Québec, hier.

Maintenant âgée de 25 ans, Nadine a donné des détails plus renversants les uns que les autres au cours de l'enquête préliminaire sur son père. Au terme de l'exercice, hier, la juge Isabelle Rheault a inculpé l'accusé sous une douzaine de chefs d'accusation, dont inceste, voies de fait armées et ayant causé des lésions ainsi que proxénétisme. Les gestes auraient commencé en 2001, alors que Nadine avait 16 ans, et se seraient échelonnés jusqu'en mars dernier, lorsque la victime s'est enfuie de la maison où elle disait être séquestrée. Nadine avait le visage couvert de bleus lorsque la police l'a recueillie. L'homme est aussi accusé de voies de fait sur son petit-fils, qui est aussi son fils.

Selon ce qu'on a appris hier, les parents de Nadine se sont séparés avant sa naissance, si bien qu'elle a été élevée par sa mère et n'a rencontré son père biologique (l'accusé) que vers l'âge de 13 ans. À 16 ans, elle a voulu que son amoureux vienne habiter avec elle chez sa mère. Devant le refus de cette dernière, Nadine s'est tournée vers son père, qui a accepté. Nadine est donc allée habiter chez lui avec son amoureux. Selon la jeune femme, son père s'est vite montré possessif et d'une jalousie maladive. Elle affirme qu'il venait coucher dans le même lit que son amoureux et elle. «J'étais au milieu», a-t-elle dit hier. Au bout de quelques mois, faut-il s'en étonner, l'amoureux est parti.

Nadine a abandonné l'école au milieu du secondaire. Son père l'obligeait à avoir des relations sexuelles avec lui et fumait de la marijuana avec elle. De fil en aiguille, il l'a inscrite à un site internet et l'a fait s'exhiber devant une webcam. Il recrutait des clients qu'elle recevait à la maison paternelle. Elle devait remettre son argent à son père. Selon le récit de Nadine, son père exerçait sur elle une autorité extrême, tant physiquement que psychologiquement.

Elle a fini par devenir enceinte, et elle a accouché en 2004. Pendant des années, elle a cru que l'enfant était issu de sa relation épisodique avec un homme dont on ne sait trop s'il était un client ou une relation du père. Quoi qu'il en soit, sur les conseils de son père, Nadine a demandé et obtenu une pension alimentaire pour l'enfant. Ce n'est qu'en juin dernier, après une analyse d'ADN, qu'elle a appris que le père du petit était son père à elle.

Nadine ne voyait pas beaucoup sa mère à l'époque et, quand elle la voyait, elle était forcée de lui mentir pour faire croire que tout allait bien avec son père, dit-elle. Mais, en réalité, c'était l'enfer, et cela dans les trois maisons où ils ont vécu depuis 2001. Elle a songé de nombreuses fois à s'enfuir, mais affirme qu'elle avait peur et n'en trouvait pas la force. Son père avait promis de la tuer si elle parlait, assure-t-elle.

L'accusé est détenu depuis son arrestation, en mars. Hier, à la fin de l'audience, il s'est mis à pleurer et a imploré de l'aide. Il a tenu un discours confus dans lequel il a raconté que, en mars, les policiers étaient allés l'arrêter à l'hôpital, alors qu'il se trouvait paralysé et en arrêt cardiorespiratoire. Sa conjointe, elle aussi accusée dans cette affaire (voies de fait et séquestration), était présente hier. Elle est cependant en liberté. La procureure de la Couronne, Rachelle Pitre, et l'avocat de la défense, Louis Boissonneault, ont fixé la suite du processus judiciaire au 27 janvier.

* Les noms ont été changés pour préserver l'identité de la victime.