En le traitant de «voyou» et en faisant toutes sortes d'«amalgames» qui n'avaient pas de rapport, le 31 janvier 2007, Sylvain Lafrance, haut dirigeant de Radio-Canada, a lancé contre Pierre Karl Péladeau une campagne qui a amené d'autres médias à utiliser des mots déplacés à son égard.

C'est l'avis du grand patron de Quebecor, qui a témoigné jeudi dans le cadre de la poursuite en diffamation qu'il a intentée contre le président des services français de Radio-Canada, Sylvain Lafrance. «S'il n'y a pas eu 100 articles après, il n'y en a pas eu un», a expliqué M. Péladeau. Dans la foulée, a-t-il soutenu, des médias l'ont traité de corporate bum, de thug (voyou) et de punk.

Ce litige, qui se retrouve au coeur d'un procès civil en Cour supérieure à Montréal, a trait à des propos tenus par M. Lafrance en 2007, quand M. Péladeau avait annoncé l'arrêt des contributions de Vidéotron au Fonds canadien de télévision. «Ce gars-là (Pierre Karl Péladeau) se promène comme un voyou, et il est en train de faire dérailler un des systèmes télévisuels qui ont le plus de succès au monde», avait déclaré M. Lafrance lors d'une entrevue accordée au Devoir, le 31 janvier 2007. Dans la journée, il avait maintenu ses propos dans trois émissions d'information de Radio-Canada. M. Péladeau dit avoir été estomaqué. Ses proches ont été choqués.

«On allait extrêmement loin. Jamais je n'avais eu l'occasion d'être traité de voyou par un membre de la très haute direction de Radio-Canada. C'était une volonté délibérée d'insulter», a dit M. Péladeau. Quebecor et lui ont demandé des excuses à Radio-Canada, qui ne sont pas venues. Il a donc décidé de poursuivre pour plus de 2 millions de dollars. Au début du procès, la réclamation a été ramenée à 700 000$, ce qui a fait tiquer le juge Claude Larouche, qui voulait connaître la raison de ce changement.

M. Péladeau a expliqué que, au début, il ne connaissait pas encore l'ampleur des dommages. Cela viendrait avec l'écoulement du temps. Les gens allaient peut-être demander à être débranchés de Vidéotron, et les journaux de Quebecor perdraient peut-être des abonnés, a-t-il expliqué. Il a cependant reconnu que, si cela s'était produit, cela restait «anecdotique». Les pertes pécuniaires semblent bien minces, s'il y en a eu.

De la petite école

Avant de tomber dans le vif du sujet, M. Péladeau, a parlé de son cheminement. De la petite école à la direction de l'empire Quebecor en passant par son job de plongeur dans un restaurant et ses études en philosophie et en droit à Paris, il a détaillé par le menu son parcours personnel. Il a aussi parlé de son désaccord sur le fonctionnement du Fonds canadien de télévision, à l'époque. Car cette querelle de mots avec M. Lafrance n'est que l'arbre qui cache la forêt d'une profonde divergence de vues. M. Péladeau trouve injuste que Radio-Canada, déjà subventionnée par l'État et qui retire des revenus publicitaires, ait droit à 37% du Fonds canadien de télévision.

«Vous ne comprenez pas le 37%? En quoi ça vous dérange, vous? Vous ne voulez pas qu'on lui en donne du tout (à Radio-Canada)?» a vivement réagi le juge Larouche.

Jeudi matin, le PDG de Quebecor était arrivé un peu à l'avance avec sa conjointe, Julie Snyder. La blonde animatrice a cependant dû quitter la salle au début de l'audience, car les parties ont demandé l'exclusion des témoins. Elle devrait témoigner après M. Péladeau. Ce dernier retournera devant le tribunal ce matin pour son contre-interrogatoire, mais il a fait savoir qu'il ne pourrait être présent pour la suite du procès en raison d'un horaire très chargé.