Si l'on se fie au nombre d'enquêteurs de la Sûreté du Québec qui se sont déplacés pour la brève comparution du Hells Angels Normand Ouimet, hier, au palais de justice de Montréal, il est clair que la police vient d'arrêter une grosse pointure du crime organisé québécois.

Normand Ouimet a fait son entrée dans le box des accusés sous le regard d'une dizaine d'enquêteurs aguerris de la SQ, dont certains de l'Escouade régionale mixte de Trois-Rivières qui l'avaient épinglé la veille à Montréal.

L'homme de 41 ans a modifié son apparence. Il s'est laissé pousser la barbe et les cheveux. Il a manifestement perdu du poids, bien qu'il soit toujours de forte corpulence.

Le Hells Angels de la section de Trois-Rivières était recherché dans le cadre de deux enquêtes d'envergure de la SQ. Un mandat d'arrêt avait été lancé contre lui en avril 2009 à la suite de l'opération SharQc, cette vaste rafle qui a ébranlé les Hells du Québec. Il était également recherché dans le cadre de l'opération Diligence, l'enquête la plus importante jamais menée par la SQ pour lutter contre le blanchiment d'argent.

Ouimet a été inculpé de 29 chefs d'accusation en lien avec l'opération SharQc, dont 22 meurtres prémédités. Il est également soupçonné d'avoir tenté de noyauter des entreprises de maçonnerie de la couronne Nord de Montréal dans le but de blanchir de l'argent obtenu par le trafic de stupéfiants.

Dans le cadre de l'opération Diligence, Ouimet est accusé avec sa conjointe, Julie Marien, de complot pour extorsion et de recyclage de produits de la criminalité, entre autres choses. Des avoirs d'une valeur de près de 10 millions de dollars appartenant à Ouimet ont d'ailleurs fait l'objet d'une ordonnance de blocage. L'enquête préliminaire du couple est fixée au mois d'octobre 2011.

Après la condamnation à perpétuité de leur chef, Maurice Boucher, pour le meurtre de deux gardiens de prison, les Hells Angels Normand Ouimet et Mario Brouillette étaient considérés comme ses principaux successeurs dans la distribution de drogue à Montréal. Les deux sont d'anciens membres des Rowdy Crew de Montréal-Est-Lanaudière, un club satellite des Hells qui avait son bunker à Lavaltrie. Ouimet est membre en règle de la section de Trois-Rivières depuis le 25 octobre 1999.

Alors que Ouimet était toujours en fuite, son nom a ressurgi dans le projet Axe, qui visait les gangs de rue montréalais. En effet, les frères Jean, Patrick et Stéphane Lavertue devaient verser des redevances au gang des Syndicate, eux-mêmes affiliés aux Hells Angels Nomads, pour avoir le droit de vendre de la cocaïne dans le sud-ouest de Montréal. Une partie de ces redevances devaient servir à financer la fuite du «Fantôme», autre surnom de Ouimet, selon nos sources. Il n'a toutefois pas été accusé dans le cadre de cette enquête de la Division du crime organisé du Service de police de la Ville de Montréal.

Cela faisait au moins un mois que les policiers recevaient des renseignements concernant la possible présence du Hells Angels dans la région de Montréal. Il a finalement été arrêté lundi après-midi, alors qu'il était à bord d'un taxi, rue Saint-Denis. Il sortait de chez le dentiste. Il n'a offert aucune résistance.

Des 156 personnes accusées dans l'opération SharQc, 19 sont toujours recherchées. La procureure de la Couronne Madeleine Giauque a refusé de décrire l'importance de Ouimet dans les Hells. «Je ne peux pas parler de la preuve à ce moment-ci», a-t-elle dit. De son côté, l'avocate de la défense, Me Cristina Nedelcu, a quitté la salle d'audience sans parler aux médias.

Bien qu'aucune date n'ait encore été fixée, la poursuite espère que le premier procès débutera à l'automne 2011. Normand Ouimet retournera en cour le 10 décembre, en même temps que tous les autres coaccusés, pour des requêtes préliminaires.