C'est en sanglotant qu'une femme de 24 ans a plaidé coupable hier matin à des accusations de négligence criminelle et d'abandon de son enfant de 18 mois.

Quand il a été amené à l'hôpital Sainte-Justine, vers 20h le 8 août 2006, le tout-petit était d'une saleté repoussante. Sa couche n'avait pas été changée depuis longtemps et avait des blessures infectées un peu partout sur le corps. Il a fallu le laver avant de l'examiner, a expliqué le Dr Gilles Fortin, expert en pédiatrie neurologique, qui a témoigné hier en Cour du Québec. Le médecin a signalé que 80 000 bébés viennent à Sainte-Justine chaque année. De ce nombre, il arrive environ une fois par année qu'il faille en laver un dès son arrivée. «Il était dans un état lamentable», a-t-il dit. L'enfant a dû être traité pour une maladie de peau et des brûlures au deuxième degré, anciennes et plus récentes, manifestement infligées par un élément de cuisinière. Certaines des plaies étaient infectées. Il a fallu lui donner de la morphine pour calmer la douleur lors des traitements.

Selon le résumé que la procureure de la Couronne Josée Fontaine a fait hier à la juge Louise Villemure, l'enfant a été trouvé derrière un immeuble de la rue Lajeunesse vers 18h30 le 8août 2006. Alerté par des pleurs persistants, un voisin qui résidait de l'autre côté de la rue est allé voir. Le bébé était seul en bas d'un long escalier de métal. En voyant l'homme arriver, il s'est spontanément dirigé vers lui.

L'homme est entré dans l'immeuble avec l'enfant, dans l'espoir de le remettre à ses parents. Il a parlé à une locataire, qui lui a dit qu'elle-même avait secouru le bébé environ une semaine auparavant. Ils ont donné à boire et à manger au petit, qui avalait tout goulûment. Il semblait affamé et déshydraté.

Ils ont appelé la police, qui est venue récupérer l'enfant pour l'amener à l'hôpital. Pendant ce temps, les policiers sont allés frapper à l'appartement de la mère, au quatrième étage, mais personne n'est venu ouvrir. Il appert que le petit bonhomme avait réussi à descendre seul les 33 marches de l'escalier de métal, malgré le grand espacement qui séparait chaque marche et le fait qu'il n'y avait pas de contremarche.

«Un enfant maltraité acquiert souvent des habiletés motrices avant l'âge», a expliqué le Dr Fortin, avant d'ajouter que le retard survient plutôt sur le plan cognitif, notamment dans le langage.

Endormie sur le canapé

La Direction de la protection de la jeunesse a évidemment été avisée, et une travailleuse sociale s'est rendue chez la mère vers 21h. Comme personne n'est venu répondre à la porte, le concierge l'a fait entrer dans le logement.

L'employée de la DPJ a trouvé la mère endormie sur le canapé du salon. Elle a dû la secouer fortement pour la réveiller. La mère ne savait pas où se trouvait son enfant et ne semblait pas s'en préoccuper. La travailleuse sociale lui a appris que le petit était à l'hôpital. La mère n'a pas voulu suivre la travailleuse sociale. Elle est allée voir son enfant à l'hôpital dans les jours suivants, mais pas chaque jours. On ne la laissait jamais seule avec le petit.

La mère n'a jamais récupéré son fils, qui est encore placé par la DPJ. Elle a eu depuis trois autres enfants, dont elle a la garde, a expliqué Me Julien Archambault, son avocat.

La vie de la jeune femme aurait considérablement changé depuis 2006. À l'époque, elle était elle-même dans un état de dépendance et victime d'abus physiques, selon Me Archambault. Aujourd'hui, elle a un autre conjoint et sa vie est stable.

La défense a demandé un rapport sur l'accusée, afin d'éclairer la Cour sur la peine appropriée. L'accusée reviendra devant le tribunal le 15 mars. La Couronne songe à demander une peine de prison.