Mohamed Lamine Keita était en dépression grave quand il a asphyxié son fils de 11 mois avec des sacs de plastique, le 12 juin 2009. Mardi après-midi, le juge Claude Champagne l'a déclaré non criminellement responsable de ce crime, pour cause de troubles mentaux.

Cette absence de responsabilité, c'est d'ailleurs la conclusion qui se dégageait des évaluations faites par deux psychiatres dans cette malheureuse affaire. Keita affirmait que, ce matin-là, des voix lui avaient ordonné de tuer son fils. Les psychiatres Marie-Frédérique Allard et Gilles Chamberland ont tous les deux estimé que l'homme de 41 ans était dérangé mentalement quand il a commis son geste. Le Dr Chamberland avait toutefois exprimé quelque réserve car, dès après les événements, l'homme avait eu des comportements qui démontraient qu'il était conscient de ce qui se passait. Par ailleurs, au cours de l'interrogatoire policier, il a dit qu'il avait perdu patience parce que le petit pleurait.

Quoi qu'il en soit, M. Keita était accusé de meurtre prémédité. Hier, dans le box, il avait le visage impassible et le regard fixe pendant qu'on discutait à son sujet.

Entendre des voix

La procureure de la Couronne Hélène Di Salvo a d'abord résumé les faits : le matin du 12 juin 2009, la conjointe de M. Keita est partie travailler vers les 5h, laissant Abdul Alain, leur enfant de 11 mois, avec M. Keita. Celui-ci était habituellement un bon père, très patient. Mais ce matin-là, il n'a pas amené le petit à la garderie comme il le faisait habituellement. Lorsque sa conjointe, Rabiatou Kamara, a appelé de son travail, vers 10 h, M. Keita lui a demandé si elle pouvait venir à la maison pour appeler le 911. Affolée, la mère a demandé à parler au petit, mais M. Keita a refusé. Elle a quitté précipitamment son travail pour rentrer et a appelé le 911 en chemin. Les policiers sont arrivés avant elle au domicile familial de la rue Fleury.

Les agents ont parlé à M. Keita, qui a assuré que tout allait bien. Ils sont quand même entrés et ont découvert l'enfant dans la chambre, couché par terre sur une serviette. Il avait la tête recouverte de deux sacs de plastique, et un coussin se trouvait par-dessus. L'enfant avait les yeux ouverts, de l'écume et du sang au nez, et il était déjà froid. Les manoeuvres de réanimation n'ont rien donné.

Ce matin, on a appris que l'homme avait fait une grave dépression environ un an avant le drame. Il avait été soigné avec des médicaments et s'en était remis. La dépression était cependant revenue par la suite, mais il n'avait pu renouveler son ordonnance, arrivée à échéance. Dans la foulée, M. Keita a perdu son travail.

À un certain moment, M. Keita était si mal en point qu'il se confinait volontairement dans son domicile et ne se nourrissait pas. Des voix lui disaient de se suicider. Selon le Dr Chamberland, il serait mort de faim si une amie n'était pas intervenue pour le forcer à consulter et à faire renouveler son ordonnance. Il a vu le médecin le 26 mai 2009, et le drame s'est produit 18 jours plus tard. Les médicaments n'ont peut-être pas eu le temps de faire effet, croit le psychiatre.

Reconnaître les signes

Avec la décision du juge Champagne, M. Keta, qui est atteint de trouble dépressif, sera envoyé à l'institut Philippe-Pinel pour y être traité. Ce sera ensuite à la Commission d'examen de décider de son sort. Il pourrait recouvrer la liberté dans quelques mois, mais cela pourrait aussi prendre des années. Tout dépendra de son état mental. Selon le Dr Chamberland, il est prouvé que les personnes se «fragilisent» beaucoup d'un épisode dépressif à l'autre. Les probabilités pour que M. Keita fasse une autre dépression se chiffrent à 80%. Il doit apprendre à reconnaître les symptômes afin de se faire soigner, car il peut devenir très dangereux, a fait valoir le psychiatre.

Originaire de Guinée, M. Keita parrainait sa conjointe au moment du drame. Celle-ci avait accouché prématurément à sept mois de grossesse aux États-Unis.