Heureusement que Russell Williams en a pour au moins 25 ans de prison ferme: un tel être, «ça ne se réhabilite pas», tranche Mario Larivée-Côté, sexologue clinicien.

Appelé à témoigner dans plusieurs procès, M. Larivée-Côté passe sa vie en cour et dans les pénitenciers. Il en a vu de toutes les couleurs. Encore dernièrement, il a été appelé à se prononcer sur le cas d'un «claudicophile» - un homme qui, pris d'un fantasme incontrôlé pour les jambes invalides ou déformées, s'était mis à harceler une femme handicapée. C'est tout dire.

Cependant, au sujet de Russell Williams, il affirme qu'il n'a jamais vu un cas qui réunisse autant de déviances en une seule personne. «On parle ici d'un sadique sexuel, d'un violeur et d'un tueur en série. Un fétichiste qui se travestit, qui, si l'on en croit les vêtements de jeune fille qu'il affectionnait, a aussi un côté pédophile...»

M. Larivée-Côté ne s'étonne donc pas que Russell Williams soit resté insensible aux supplications de ses victimes. «Ce qui l'excitait, c'était de tuer, de faire du mal, de sentir qu'il était tout-puissant face à sa victime. De sentir qu'il avait droit de vie ou de mort sur elle ne faisait sans doute qu'augmenter le plaisir qu'il tirait de ses meurtres.»

Il est possible de réhabiliter des agresseurs plus «circonstanciels», dit M. Larivée-Côté. «Il arrive que des hommes se mettent à agresser des femmes par vengeance, après avoir rompu avec leur conjointe, par exemple. Certaines études évoquent 3% de récidives pour les délinquants sexuels, d'autres, jusqu'à 25%. Moi, je dirais que seulement 15% recommencent après avoir purgé une peine.»

La réhabilitation de Williams lui paraît toutefois impossible. Le cas de Russell Williams est presque unique et il méduse bon nombre d'experts. Plusieurs psychiatres et psychologues cités dans les médias depuis quelques jours sont particulièrement renversés qu'il se soit mis aussi tardivement à violer et à tuer.

Le psychologue Vernon Quinsey, professeur émérite à l'Université Queen's, a déclaré au Toronto Star: «À peu près personne ne devient criminel d'un coup, passé 40 ans.»

Le Toronto Star rappelle par exemple que Clifford Olson, cet homme de Colombie-Britannique qui s'est reconnu coupable de 11 meurtres en 1982, était connu de la police depuis l'âge de 10 ans. Ted Bundy, un Américain qui a tué 30 femmes dans les années 70, était déjà un voleur compulsif à l'école et il avait été arrêté deux fois à l'adolescence.

«Ce qui me frappe ici, (...) c'est que nous sommes en présence d'un individu qui avait sûrement de tels fantasmes dès l'âge de 15 ou 16 ans mais qui est parvenu à les dominer jusqu'à la mi-quarantaine. C'est très inhabituel», a dit hier à CBC Glenn Woods, ex-directeur de la division des sciences comportementales à la GRC.

Mario Larivée-Côté, lui, est convaincu que tout cela n'est pas arrivé d'un coup. «Souvent, ce type de personne a commencé par brutaliser des animaux à l'adolescence. Puis, il y a la première agression, puis le premier meurtre. Une telle personne tire du plaisir sexuel en allant toujours un cran plus loin.»

Pour Alain Gariépy, président de l'Association des sexologues du Québec, il ne fait en tout cas aucun doute que le colonel Russell Williams pouvait distinguer le bien du mal. «Tout était construit, organisé. Quand on cache des choses, c'est qu'on sait que ce qu'on fait est mal.»

Pour ce qui est de sa collection de dessous féminins et des archives photo et vidéo de ses meurtres, elles sont assez typiques de ce genre de situation, a aussi fait observer Glenn Woods. «Personne ne peut sortir et tuer quelqu'un tous les soirs, alors ces articles fétiches (...), ces trophées leur permettent de se souvenir de leurs crimes et de continuer à en tirer du plaisir.»

Et qu'adviendra-t-il quand Russell Williams sortira de prison, à 70 ans? «À cet âge, on peut espérer que ses pulsions sexuelles seront moindres, avance M. Larivée-Côté. Et disons qu'après 25 ans de prison, il y a de bonnes chances pour que son grand narcissisme se soit calmé.»

P «L'ogre en sous-vêtements», la chronique de Nathalie Petrowski, en page 3 du cahier Arts