Pierino Divito n'a rien d'un enfant de choeur. Depuis 16 ans, le mafioso montréalais croupit en prison pour avoir orchestré un gigantesque trafic de drogue, qui s'est étendu des côtes de la Nouvelle-Écosse à celles de la Floride.

Extradé en 2005, il a passé les cinq dernières années dans une cellule aux États-Unis.

Mais, dans sa bataille pour obtenir le droit de purger le reste de sa peine au Canada, ce membre du clan sicilien vient d'obtenir l'appui d'un important organisme de défense des droits de l'homme.

L'Association canadienne des libertés civiles (ACLC) juge en effet que M. Divito est la dernière victime des décisions populaires mais contre-productives du gouvernement de Stephen Harper.

En refusant son transfert dans une prison canadienne - alors que les États-Unis eux-mêmes y consentent -, Ottawa brime ses droits fondamentaux.

«Si on est citoyen canadien, on a un droit de retour au pays, peu importe si on a commis des crimes sérieux», dit Me Lorne Waldman.

Demande de libération conditionnelle

L'avocat torontois avait été dépêché à Montréal par l'ACLC, hier, pour assister à l'audience du narcotrafiquant devant la Cour d'appel fédérale.

M. Divito a été condamné à la prison aux États-Unis pour trafic de cocaïne. Sa peine prendra fin en septembre 2012.

Il demande à être transféré au Canada, où il serait susceptible d'obtenir une libération conditionnelle. Les États-Unis sont d'accord.

Mais le Canada refuse au motif que le détenu représente «une menace pour la sécurité du Canada».

Maria Divito, fille du mafioso, estime que cet argument est risible. Son père, âgé de 73 ans, est gravement malade et a un stimulateur cardiaque. Il ne menace plus personne.

«Le problème, ce n'est pas mon père. C'est le gouvernement Harper qui choisit ses citoyens. Mon père n'est pas seul, il y a plein de détenus canadiens qui ne peuvent pas rentrer au pays.»

Effet pervers possible

Avant l'arrivée au pouvoir des conservateurs, Ottawa consentait aux transferts, confirme Marie-Hélène Giroux, l'avocate de M. Divito. Le problème ne s'était donc jamais posé.

Selon Me Giroux, le refus du gouvernement d'accepter le transfert de son client contrevient à l'article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés, selon lequel «tout citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir». Lui refuser de rentrer au pays équivaut à «un bannissement».

Cela risque même, selon Me Giroux, d'avoir un effet pervers, puisque M. Divito reviendra de toute façon au pays à la fin de sa peine, en 2012.

Plutôt que de le «parachuter» dans les rues de Montréal, mieux vaut profiter d'un transfert pour le soumettre au régime des libérations conditionnelles.

«Ainsi, il serait encadré. Il y aurait un suivi probatoire. Cela faciliterait sa réinsertion sociale», plaide Me Giroux.

Me Waldman est d'accord: «Ce refus est un autre exemple d'une politique qui, en surface, semble bonne pour assurer la loi et l'ordre. Mais, si on l'examine d'un peu plus près, on réalise que c'est vraiment contre-productif et que cela ne protège en rien la société.»

La Cour d'appel fédérale a mis l'affaire en délibéré.