La Régie des alcools, des courses et des jeux a révoqué hier les permis de vente d'alcool et d'exploitation d'appareils de loterie vidéo du D Lounge, un bar de Rivière-des-Prairies. La Régie a invoqué des motifs de sécurité publique, ajoutés au fait que la titulaire des permis, Ginette Cocco, n'a jamais voulu collaborer avec les autorités.

Selon le témoignage du sergent-détective Jean-Claude Gauthier, expert en gangs de rue à la division des Renseignements criminels de la police de Montréal, les Bo-Gars, un gang d'allégeance rouge, voulait acheter ce bar de la rue André-Ampère pour en faire son quartier général à Rivière-des-Prairies.

En juin dernier, la Régie a ordonné d'urgence la fermeture temporaire du D Lounge et de son voisin, le Café-bar Ferrari, en raison d'une fusillade qui s'y était produite dans la nuit du 28 au 29 mai. Plusieurs attentats violents liés aux Bo-Gars s'y étaient produits auparavant, et un jeune mafieux (assassiné depuis) avait déjà été vu en train de rôder autour du bar. De plus, deux caches d'armes à feu ont été démantelées à proximité.

Hier, après avoir entendu la cause du D Lounge sur le fond, le président du tribunal, Michel Gougeon, a révoqué les permis de Mme Cocco et a ordonné qu'aucun permis de vente d'alcool ne soit délivré pour cette adresse avant six mois.

«Ce secteur est le château fort des Rouges. Si le D Lounge rouvre, on devra être présent 24 heures sur 24 pour éviter d'autres événements violents», a expliqué le sergent-détective Gauthier, qui recommandait la fermeture définitive du bar.

Coups de feu

Vers minuit et demi, dans la nuit du 28 au 29 mai dernier, «quatre hommes de race noire» sont entrés dans le D Lounge et ont tiré au moins un coup de feu, peut-on lire dans le document de la Régie. Plus tard cette nuit-là, les policiers ont trouvé deux armes à feu dans la ruelle, derrière le bar.

Alors qu'ils étaient encore en train de sécuriser la scène du crime, les policiers ont entendu d'autres coups de feu provenant du bar voisin, le Café-bar Ferrari. Ils ont ensuite trouvé une autre arme à feu, un Luger 9 mm, dans la rue André-Ampère.

Les découvertes des enquêteurs dans ce secteur chaud de Rivière-des-Prairies n'allaient pas se terminer là. Dans les jours suivants, ils ont démantelé deux caches d'armes à proximité des deux bars. Plus d'une dizaine d'armes à feu ont été saisies au total dans ce secteur l'été dernier. «Des membres de gang nous ont dit qu'ils allaient déménager sur la Rive-Nord parce qu'on avait saisi toutes leurs armes», a souligné fièrement l'expert en gangs de rue du SPVM.

D'autres incidents qui se sont déroulés au D Lounge ont inquiété la Régie des alcools et le SPVM. En janvier 2009, un employé a été frappé avec une chaise de métal; en juin suivant, au moins deux membres de gang se sont battus; en août, plusieurs gangsters connus se sont rassemblés au bar; des policiers y ont été bousculés lors d'une bagarre en mars 2010.

Autre événement d'«intérêt» pour le SPVM: le jeune mafieux Ennio Bruni, collecteur de fonds pour la famille Rizzuto, a été vu en train de rôder à motocyclette autour du D Lounge et du Café-bar Ferrari. Il a été abattu le mois dernier alors qu'il sortait d'un café italien de Laval. Scène atypique de funérailles mafieuses: une vingtaine d'hommes à motocyclette faisaient partie du cortège funèbre.

Le Café-bar Ferrari a par ailleurs été la cible d'un cocktail Molotov au mois de novembre 2009, et son propriétaire a reçu plusieurs menaces de représailles, au point où l'on craint pour sa vie. Aucune date d'audience n'est prévue dans le cas du Café-bar Ferrari, toujours sous le coup d'une ordonnance de fermeture d'urgence.