Les étudiants du collège Dawson et tous les autres défenseurs du registre des armes d'épaule ont accueilli avec soulagement, mercredi soir, le vote de la Chambre des communes en faveur du maintien de l'outil controversé.

Les députés fédéraux se sont prononcés à 153 voix contre 151 pour mettre fin à l'étude du projet de loi de la députée conservatrice Candice Hoeppner qui visait à abolir le registre.

«C'est une lutte de longue haleine, mais aujourd'hui est certainement une bonne journée», s'est réjouie la présidente de la Coalition pour le contrôle des armes à feu, Wendy Cukier, après le vote.

«Il y a quelques mois à peine, nous ne nous attendions pas à un tel résultat», a-t-elle ajouté.

La Coalition devra demeurer vigilante au cours des prochains mois, puisque le premier ministre Stephen Harper a promis mercredi de revenir à la charge dans le dossier.

«Il est ironique que plus de 20 ans après la tuerie de l'École polytechnique, nous soyons en quelque sorte de retour à la case départ, parce qu'il faut déployer au moins autant d'énergie pour protéger le registre qu'il en avait fallu pour l'obtenir», a commenté Mme Cukier.

La militante s'est insurgée contre une déclaration que M. Harper a faite après le vote mercredi, à savoir que l'opposition au registre est plus forte que jamais.

«Si vous regardez les sondages récents, même dans le Canada rural, il y a plus de gens favorables au registre que de gens qui sont contre», a-t-elle noté.

Plus tôt dans la journée, quelques dizaines d'étudiants de Dawson s'étaient rendus sur la colline du Parlement, des gerbes de marguerites à la main, afin d'implorer les députés de maintenir l'obligation d'enregistrer fusils et carabines.

«Pour nous, abolir le registre, c'est seulement insulter la mémoire de nos victimes», a lancé Michaël Lessard, 18 ans, de l'association étudiante du collège montréalais.

En septembre 2006, l'institution de langue anglaise a été le théâtre d'une fusillade qui a fait deux morts, dont le tireur, ainsi qu'une vingtaine de blessés.

«Vous, vous savez que cette violence n'est pas quelque chose d'abstrait, c'est quelque chose de concret», a dit aux étudiants Marc Garneau, député libéral de la circonscription Westmount-Ville Marie, où se trouve Dawson. «Et le vote sur le registre, ce n'est pas non plus quelque chose d'abstrait.»

Plusieurs députés du Parti libéral, du NPD et du Bloc québécois ont assisté au rassemblement, dont le chef bloquiste, Gilles Duceppe.

Celui-ci a assuré qu'il n'existait pas de fossé entre les élus des régions rurales et des zones urbaines sur cette question. Selon lui, il s'agit avant tout d'un «choix de civilisation».

Le député libéral ontarien Mark Holland a affirmé ne pas comprendre qu'on discute encore de la pertinence du registre. «Vous ne devriez pas avoir à revivre ce débat, à refaire la même bataille, alors que c'est si évident», a-t-il déclaré.

Wendy Cukier a soutenu que l'opposition au registre était fondée sur de fausses informations ainsi qu'«une campagne de marketing à l'américaine menée par le lobby des armes à feu et le Parti conservateur».

«Le registre n'a jamais tué personne alors que sa disparition pourrait le faire», a lâché Mme Cukier.

«Quelque chose ne tourne pas rond lorsque les conservateurs sont en conflit avec les policiers et les victimes d'actes criminels», a-t-elle martelé.

Après les discours, les étudiants sont allés déposer leurs marguerites devant la porte d'entrée principale du Parlement, sous la Tour de la paix, pour s'assurer que leur message soit bien compris.

En après-midi, moins de deux heures avant le vote, d'autres membres de la Coalition pour le contrôle des armes à feu ont pris la parole à Ottawa dans une ultime tentative pour convaincre les députés opposés au maintien du registre.

Le président de la Fédération des policiers municipaux du Québec, Denis Côté, a souligné que les enquêteurs canadiens consultaient le registre plus de 11 000 fois par jour.

«Évidemment, le registre ne permet pas d'éviter tous les crimes, a reconnu M. Côté. Cependant, si on pense à la tristement célèbre tragédie de Mayerthorpe, en Alberta, où quatre policiers de la GRC ont été assassinés (en mars 2005), l'enregistrement des armes à feu a aidé les enquêteurs à remonter jusqu'à deux personnes qui ont pu être accusées et reconnues coupables de complicité après le fait.»

De son côté, le président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur, a indiqué qu'en matière de violence conjugale, le registre avait permis d'«éviter plusieurs tragédies».

Quant aux détracteurs du registre non issus des partis politiques, ils se sont faits discrets à Ottawa mercredi, laissant toute la place aux députés conservateurs.