Le territoire englobant La Petite-Bourgogne, Pointe-Saint-Charles, Saint-Henri, Émard et Côte-Saint-Paul a le plus haut taux de crimes contre la personne à Montréal, selon un classement inédit réalisé par des chercheurs du Service de police de la Ville de Montréal, que La Presse a consulté. Hochelaga-Maisonneuve et Montréal-Nord suivent de près.

Quelque 24 crimes contre la personne sont commis par tranche de 1000 habitants dans le secteur au sommet du classement. Huit autres quartiers obtiennent un taux de criminalité supérieur à 15 crimes par tranche de 1000 personnes.

«C'est une nouvelle façon de brasser les chiffres sur la criminalité. Cela donne des résultats nuancés qui permettent de mieux comprendre notre environnement et qui nous interpellent sur la façon dont nous répartissons nos effectifs», a dit à La Presse le chef du Service du développement stratégique du SPVM, Jean-François Pelletier.

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L'étude qui a servi à établir ce classement a été publiée dans le document Lecture de l'environnement du Service de police de la Ville de Montréal 2010. Ce dernier sert de point de départ aux dirigeants du SPVM pour déterminer les priorités des trois prochaines années. Il est d'autant plus important que sa publication coïncide avec l'entrée en poste du nouveau chef de police , Marc Parent.

Toujours selon le classement, les quatre secteurs les plus sûrs de l'île sont ceux que desservent les postes de quartier de Dorval-L'Île-Dorval-Pointe-Claire, de Saint-Laurent, de Mont-Royal-Outremont et de Baie-d'Urfé-Beaconsfield-Kirkland- Sainte-Anne-de-Bellevue-Senneville (moins de cinq crimes contre la personne par 1000 habitants).

Beaucoup de vols sur le Plateau

Le portrait est différent lorsqu'on se penche sur les crimes contre la propriété. Les secteurs les plus touchés sont le Plateau-Mont-Royal, La Petite Italie et La Petite-Patrie. Il y a plus de 80 crimes contre la propriété pour 1000 habitants.

Les résidants de Baie-d'Urfé, Beaconsfield, Kirkland, Sainte-Anne-de-Bellevue et Senneville sont choyés. Leur territoire est aussi sûr pour ce qui est des crimes contre la propriété, tout comme Saint-Laurent et Côte-des-Neiges (moins de 30 crimes/1000 habitants).

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Les analystes du SPVM ont étudié les données sur la criminalité enregistrées dans 33 postes de quartier (PDQ) de 2005 à 2008. Mais plutôt que de ne prendre en compte que le taux de criminalité pour 1000 habitants, ils ont ajusté le taux de criminalité en fonction de la population réelle de chaque quartier. Ils ont tenu compte du fait que les personnes se déplacent et convergent vers certains endroits, à certains moments. Pour ce faire, ils ont consulté les statistiques fournies par l'Agence métropolitaine de transport.

À titre d'exemple, en tenant compte seulement de la population résidante, les quartiers du centre-ville ont des taux de criminalité beaucoup plus élevés que la moyenne montréalaise. Or, en fonction de la population réelle, les taux de criminalité au centre-ville sont plutôt inférieurs à la moyenne.

L'été, les criminels s'activent

Les facteurs qui varient dans le temps, comme la température et une présence policière intense dans un secteur, sont déterminants pour arriver à prédire la criminalité dans un quartier, selon les auteurs de la recherche, Rémi Boivin et Frédéric Ouellet.

Les crimes contre la personne sont plus fréquents l'été. Cette catégorie regroupe les voies de fait (51% des crimes contre la personne), les menaces et l'extorsion (22%) et les vols qualifiés (18%). Quant aux crimes contre la propriété, cela regroupe les vols simples (45%), les introductions par effraction (21%) et les vols de véhicule (14%).

La pauvreté des résidants d'un secteur, que les chercheurs nomment «désavantages sociaux et économiques», détermine «en bonne partie» la proportion de délinquants parmi ces résidants, peut-on lire. Cela expliquerait notamment pourquoi le secteur de La Petite-Bourgogne est en tête du classement, selon Jean-François Pelletier.

Le nombre de bouches de métro et de bars ainsi que la présence d'un cégep ou d'une université dans un quartier sont aussi des facteurs «robustes» pour prédire la criminalité. Ainsi, le nombre de bouches de métro dans un quartier augmente notablement la criminalité. Une partie importante des crimes commis dans un secteur sont le fait de gens qui n'y résident pas - en moyenne 61%, font également remarquer les chercheurs.

Autre donnée intéressante: une activité policière intense dans un secteur réduit la criminalité contre les biens, mais n'a aucun impact sur les crimes contre la personne, qui sont plus impulsifs, donc plus difficiles à prévenir. La preuve: les caméras de surveillance installées boulevard Saint-Laurent n'ont pas réussi à y faire diminuer les actes de violence, indiquent les chercheurs.

Le SPVM doit s'attaquer à un problème de perception, selon Jean-François Pelletier. Le sentiment de sécurité de la population ne s'améliore pas, d'après les sondages, alors que la criminalité signalée sur son territoire diminue sans cesse depuis 1991.