«Le drame de Saint-Jude pourrait arriver à n'importe quel parent vivant seul avec son enfant trisomique. Malheureusement, le manque de ressources est si criant que ça risque de se reproduire.»

Père d'un garçon trisomique de 13 ans qu'il élève seul, Sylvain Fortin a été très touché par les circonstances entourant la mort de Jean-Guy et Richard Roy, deux frères dont les corps ont été découverts dimanche à Saint-Jude, en Montérégie.

Jean-Guy Roy, 59 ans, est mort de causes naturelles. Atteint de trisomie 21, son frère Richard, 46 ans, est mort quelques jours plus tard, probablement de faim ou de soif.

Hier, La Presse a révélé que la famille communiquait souvent avec les deux frères. Malgré les conseils de ses proches, Jean-Guy Roy n'osait pas demander l'aide du CLSC.

«Comme Jean-Guy, plusieurs parents ont un réseau restreint pour les soutenir», constate Sylvain Fortin, président de la Société québécoise de la trisomie 21.

D'ailleurs, ce n'est pas la première fois qu'un tel drame survient. À l'automne 2004, Tracy Liston, une femme trisomique de 41 ans, est morte dans son logement de Montréal après le suicide de son frère aîné. La pathologiste avait conclu que c'était probablement faute de nourriture.

Geneviève Labrecque, présidente du conseil d'administration du Regroupement pour la trisomie 21, souligne à quel point il est important d'être bien entouré quand on s'occupe d'un enfant trisomique. Une responsabilité qui revient selon elle aux parents, mais aussi à la famille, aux voisins et au réseau de la santé.

Mme Labrecque s'étonne de ce que le CLSC ne soit jamais intervenu auprès des frères Roy. L'an dernier, la directrice générale de la municipalité de Saint-Jude avait pourtant téléphoné au CLSC pour s'informer des services disponibles. Elle avait constaté que Jean-Guy avait besoin d'aide pour entretenir sa maison, qui était délabrée.

Le CLSC n'a jamais communiqué avec les frères Roy, a confirmé Claude Dallaire, directeur des communications du CSSS Richelieu-Yamaska. Il explique que, pour intervenir, le CLSC doit recevoir une demande de service formelle ou un signalement selon lequel une personne est en danger.

«Le CLSC aurait quand même pu faire un tour pour constater la situation», estime Geneviève Labrecque, qui déplore le peu de ressources financières consacrées aux soins de première ligne.

Mère d'un garçon trisomique de 6 ans, Mme Labrecque se désole du caractère rigide du système de santé québécois, qui peine à s'adapter aux besoins particuliers. Selon elle, plusieurs parents se perdent dans les dédales administratifs lorsqu'ils souhaitent obtenir des services.

«Bref, nous sommes laissés à nous-mêmes, résume Sylvain Fortin. Plusieurs parents angoissent en pensant à ce qui arrivera lorsqu'ils ne seront plus là.»

Les funérailles des frères Roy auront lieu samedi matin à la paroisse Notre-Dame-du-Rosaire, à Saint-Hyacinthe (2200, rue Girouard Ouest). La famille recevra les condoléances à 9h30.

En l'honneur de Richard Roy, qui adorait danser, la famille fera jouer une chanson country qu'il affectionnait. La Société québécoise de la trisomie 21 invite les personnes trisomiques et leurs proches à la cérémonie. Au Québec, plus de 10 000 familles sont touchées par la trisomie.