Contrairement à ce que les autorités laissent entendre, les groupes terroristes sont beaucoup moins organisés qu'on pourrait le croire, selon les professeurs que La Presse a consultés hier.

«On tente toujours d'attribuer aux terroristes des capacités organisationnelles extraordinaires, mais ils ne les ont peut-être pas», estime Guillermo Aureano, chercheur associé au Centre d'études sur la paix et la sécurité internationale.

La GRC a fait le point hier sur l'enquête qu'elle a menée pour déjouer un présumé complot terroriste. Trois personnes soupçonnées d'avoir planifié un attentat à la bombe contre le parlement d'Ottawa ont été accusés au terme d'une enquête d'un an.

Guillermo Aureano, qui enseigne à l'Université de Montréal, estime qu'il faut attendre le procès avant de s'alarmer et de crier au complot terroriste.

«On ne doit pas prêter une condition surhumaine aux terroristes, dit-il. Si ça fait réellement plusieurs mois qu'ils sont pris en filature mais qu'ils laissent traîner chez eux 50 circuits électriques, ça laisse plutôt songeur sur leur capacité organisationnelle.»

Son collègue de l'Université Laval, Stéphane Leman-Langlois, croit lui aussi que les attentats terroristes demandent peu de planification et peu de fonds. Les groupes terroristes sont souvent désorganisés et peu durables, dit-il. «Souvent, c'est une question de chance lorsque l'attentat fonctionne, un concours de circonstances.»

Selon lui, les autorités canadiennes ont intérêt à exagérer la menace réelle des cellules terroristes. «Ce genre d'arrestations représente aussi une vaste opération de relations publiques: le Canada doit faire la démonstration au monde entier qu'il est sérieux dans sa lutte antiterroriste», explique le professeur, qui souligne que certaines relations commerciales avec les États-Unis en dépendent.

Avancé sur le plan technique

Mais à première vue, Stéphane Leman-Langlois estime que le complot semblait relativement avancé sur le plan technique. «Selon les médias, le groupe avait des détonateurs en sa possession, ce qui n'est pas facile à trouver, souligne-t-il. Ça ne s'achète pas chez Zellers: il faut le voler ou encore l'acheter au marché noir.»

Les Canadiens doivent-ils s'inquiéter? Oui et non, répond Stéphane Leman-Langlois. «Le territoire canadien pourrait être le théâtre d'une attaque terroriste, estime le professeur, qui rappelle la présence des troupes du pays en Afghanistan. Toutefois, est-ce que c'est un danger pour le Canadien moyen? Non.»

Il relève que le Canada demeure l'un des pays les plus à l'abri du terrorisme dans le monde. La démocratie n'y est pas autoritaire et le pays est engagé dans peu de conflits.