Une sauvage agression est survenue mercredi sous les yeux d'un juge de la Cour d'appel, en pleine salle d'audience, alors que ne s'y trouvait aucun constable spécial. Mécontent de la décision que le juge François Doyon venait de rendre, l'homme, qui se représentait seul, a bondi sur ses deux adversaires dans le litige, qui étaient tranquillement assis au fond de la salle. Le présumé agresseur, Sylvain Gaudreau, les aurait roués de coups au point où l'un d'eux a failli perdre un oeil.

«Le gars est devenu fou. Je n'avais rien vu de tel en 51 ans de pratique du droit. Il a bondi comme une flèche sur mes clients. Il les a tellement frappés que le sang coulait comme le fleuve Saint-Laurent», a raconté à La Presse Me Judah Lyon Wolofsky.

Sylvain Gaudreau a été accusé de voies de fait armées et de voies de fait ayant causé des blessures, hier, au palais de justice de Montréal. L'homme de 47 ans a des antécédents judiciaires en semblable matière, notamment de voies de fait contre un agent de la paix.

Le plus haut tribunal du Québec est peut-être muni de détecteurs de métal à l'entrée, mais il y a tout de même des lacunes de sécurité, dénoncent les deux victimes de l'incident, qui ont eu peur d'y laisser leur vie.

Hier, Robin Doak et Maurice Tétreault étaient encore sous le choc. «Quand tu es dans un palais de justice, tu ne t'attends pas à te faire attaquer», a dit M. Tétreault, à qui l'accusé aurait enfoncé un pouce dans l'oeil. Quant à M. Doak, il a reçu des coups à la tête qui lui ont fait perdre connaissance, et il souffre d'une commotion cérébrale. «Il aurait pu nous tuer ou tuer le juge», a-t-il dit.

Le litige entre Sylvain Gaudreau et les deux victimes remonte à 2002. Gaudreau s'adressait à la Cour d'appel dans une ultime tentative d'éviter de se faire expulser d'un immeuble appartenant aux victimes à Sainte-Adèle.

Pendant des années, Gaudreau a contesté son expulsion devant différentes instances. Il a essuyé échec sur échec. Le mois dernier, le juge Luc Lefebvre, de la Cour supérieure, lui a donné 20 jours pour récupérer ses effets personnels. Il a même insisté sur le fait qu'il y avait eu tellement de décisions par le passé dans cette affaire que M. Gaudreau devait exécuter son jugement nonobstant l'appel.

C'était la dernière cause de la journée à la Cour d'appel, mercredi. Il était environ 18 h 50 lorsque le juge Doyon a rejeté la requête de M. Gaudreau. Le juge venait de prononcer sa dernière phrase quand l'homme se serait mis à insulter tout le monde, raconte Me Wolofsky. Gaudreau aurait ensuite lancé une valise vers les victimes. Il se serait également servi d'un stylo pour les agresser - de là les accusations de voies de fait armées.

Maurice Tétreault a croisé un constable spécial seulement après être parvenu à sortir de la salle pour appeler le 911, selon son témoignage. Il assure pourtant avoir averti un constable à son arrivée au palais que Gaudreau était dangereux et qu'il fallait le fouiller minutieusement.

Le ministère de la Sécurité publique assure qu'aucune information n'a été transmise aux constables sur la dangerosité de Gaudreau. «Un constable spécial est affecté à une salle d'audience en particulier seulement s'il y a un risque appréhendé pour la sécurité à la suite d'une évaluation de menace. Dans ce cas-ci, l'homme avait été contrôlé à l'arche de sécurité et n'avait pas d'arme en sa possession», explique la porte-parole du Ministère, Marie-Michelle Lacasse.