Autrefois fonctionnel, Daniel Bédard a sombré dans un délire de persécution et est devenu la bête noire du système judiciaire. Celui qui se croit plus intelligent et intègre que tout le monde mais qui agit en forcené devant le tribunal pourrait être déclaré délinquant dangereux.

L'audience à ce sujet a commencé hier devant le juge Claude Champagne, de la Cour supérieure. Comme d'habitude, Bédard, âgé de 52 ans, qui se défend seul, sans avocat, s'est emporté, a lancé des injures et hurlé sa colère. Comme d'habitude, il a été expulsé de la salle d'audience et a dû suivre les débats dans une autre salle, par télévision en circuit fermé. Comme d'habitude, il a continué de vociférer et de menacer, si bien qu'on a dû couper le son pour ne plus l'entendre. Il avait les mains et les pieds liés mais, à force de bouger et de se débattre, il a brisé un banc dans le box des accusés. Excédés, et disant craindre pour leur sécurité, les constables spéciaux ont voulu l'envoyer dans une cellule du palais de justice, mais le juge Champagne a refusé. L'audience était trop importante pour qu'elle se déroule en l'absence du principal intéressé, a fait valoir le magistrat.

 

Bédard n'a tué ni blessé personne. Mais depuis 2005, cet ancien dessinateur en bâtiments accumule les procès pour harcèlement et menaces. On lui a imputé aussi des voies de fait, commises alors qu'il résistait à des agents des services correctionnels. Dans le dossier qui nous occupe, au terme d'un procès devant jury, il a été déclaré coupable de menaces envers un procureur de la Couronne. Ces menaces avaient été proférées au cours d'un autre procès devant jury, celui-là pour menaces et harcèlement envers l'Ordre des ingénieurs du Québec. Avant cela, il avait eu un autre procès contre l'Ordre des technologues du Québec. C'est un différend avec un ingénieur, à son travail, qui l'aurait fait basculer.

Le Doc Mailloux

Quoi qu'il en soit, vu la répétition des délits, la Couronne a présenté une requête pour faire déclarer Bédard délinquant dangereux ou à contrôler. Pour ce faire, il fallait bien sûr évaluer la condition mentale de Bédard. Mais celui-ci se considère comme tout à fait sain d'esprit et refuse de se soumettre à une expertise. La psychiatre Renée Fugère, rattachée à l'institut Philippe-Pinel, s'est donc basée sur l'ensemble du dossier de Bédard pour dresser son rapport.

La Dre Fugère est d'avis que Bédard souffre d'un trouble délirant de type «persécutoire» greffé à une personnalité à traits narcissiques. Depuis 2005, il a été accusé de harcèlement une quinzaine de fois. «Le processus judiciaire n'a pas d'effet dissuasif sur lui», a dit la psychiatre.

Dans l'esprit de Bédard, c'est lui la victime, et ce sont les autres qui le harcèlent. Il voit de la corruption partout. «Essayez pas de me faire accroire que je suis dans le champ... Faut-il que, chaque fois qu'on m'accuse faussement, je repasse dans le processus psychiatrique?» a lancé Bédard, hier, alors qu'il avait retrouvé un certain calme.

La Dre Fugère a aussi expliqué hier que seuls deux médecins trouvent grâce à ses yeux: le psychiatre Pierre Mailloux et une psychiatre de l'institut Philippe-Pinel, qui l'avait déclaré apte en 2008. L'audience se poursuit ce matin.