Après des mois de procédure judiciaire au sujet de son aptitude mentale, Leland Kaluza continue de renier sa véritable identité et insiste pour se présenter sous le nom de Yoseph Yisraël. Celui qui prétend vivre dans un autre «système» ne guérirait pas forcément de sa lubie même si on lui administrait des médicaments.

C'est, en résumé, ce que le psychiatre Jacques Talbot, de l'institut Philippe-Pinel, a reconnu hier alors qu'il témoignait à une audience sur la nécessité d'imposer un traitement médical à Kaluza. Accusé de possession d'arme et de possession de marijuana (incident survenu en 2007), l'homme de 26 ans a été déclaré inapte à subir son procès au mois de mai dernier. Il a un mode de pensée psychotique associé à un délire religieux, selon le rapport préparé par le Dr Talbot. Le principal intéressé se dit évidemment parfaitement sain d'esprit. La poignée de supporteurs qui l'accompagne pense comme lui. L'affaire est entendue par le juge Martin Vauclair, de la Cour du Québec.

 

Au terme de l'évaluation psychiatrique, en décembre 2009, le Dr Talbot envisageait de rendre Kaluza apte à subir son procès en environ six semaines en lui administrant des médicaments.

Au cours du processus judiciaire qui a suivi, le psychiatre a vu évaluer Kaluza. Ce dernier a toujours le même mode de pensée et les mêmes revendications, constate-t-il. Mais certains symptômes sont diffus. «Il n'interfère pas grossièrement avec le fait qu'il est à la cour. Le mode relationnel est marqué par beaucoup de méfiance quand même», a-t-il relevé. Il considère que la maladie psychiatrique de Kaluza est «subtile» et «fine», ce qui semble plus difficile à traiter.

«Les traitements psychopharmacologiques sont efficaces lorsqu'il y a une grande désorganisation. Les résultats sont plus aléatoires quand il y a des croyances comme celles qu'entretient M. Kaluza. On dit que la pathologie peut répondre dans 50% des cas. Je ne saurais pas prédire la qualité de l'impact du traitement», a admis le psychiatre.

Le psychiatre envisage un traitement avec des médicaments antipsychotiques de dernière génération, ou stabilisateurs de l'humeur. Les traitements commencent à faibles doses et sont ajustés graduellement. Cela a fait dire à Me Gaétan Bourassa, nommé par la Cour pour assister Kaluza (qui ne veut pas d'avocat), que le juge devrait imposer des limites strictes et claires, «avec des dosages», s'il opte pour le traitement forcé.

«Pour éviter que l'individu se retrouve dans un processus médical expérimental... Ce n'est pas un objet de boucherie qu'on va expérimenter. Le Dr Talbot lui-même a de la difficulté à cibler la maladie», a plaidé Me Bourassa. Il suggère des traitements à l'externe plutôt qu'à l'interne puisque cette dernière option impliquerait la détention forcée à l'institut Philippe-Pinel.

La procureure de la Couronne Caroline Dulong serait d'accord pour que Kaluza suive ses traitements en externe s'il se présente aux rendez-vous. «Mais il n'admet pas son problème. Va-t-il respecter l'ordre de la Cour?» a-t-elle demandé, sceptique.

Le juge Vauclair rendra sa décision vendredi.

Rappelons que Kaluza soutient que l'identité qu'on lui a attribuée à sa naissance est artificielle parce que créée par le gouvernement, alors que celle qu'il prétend avoir est naturelle puisqu'il l'a choisie lui-même. Ainsi, Leland Kaluza n'a pas de corps, dit-il, car c'est un être artificiel. C'est ce qui avait incité un autre juge à l'envoyer en évaluation à l'institut Philippe-Pinel.