Maher Arar, un Canadien d'origine syrienne, a perdu lundi sa dernière chance d'obtenir excuses et dédommagements de la part des États-Unis qui l'ont secrètement transféré en 2002 en Syrie où il a été torturé, une pratique courante après les attentats du 11-Septembre.

Ingénieur en informatique d'origine syrienne, Maher Arar avait été arrêté par la police américaine en septembre 2002 à l'aéroport de New York sur la base d'informations obtenues auprès de la police canadienne qui le soupçonnait d'être un «dangereux extrémiste».

Il avait alors été transféré vers la Syrie, où il a été détenu et interrogé pendant un an, avec des méthodes s'apparentant à de la torture selon son témoignage.

En 2006, M. Arar a été blanchi de tout soupçon de terrorisme par une commission d'enquête diligentée par le Canada afin de faire la lumière sur l'enchaînement des événements et notamment le fait que M. Arar a été envoyé en Syrie plutôt qu'au Canada.

En janvier 2007, il a obtenu des excuses publiques du gouvernement de Stephen Harper et 10 millions de dollars d'indemnités compensatoires pour les informations erronées données aux autorités américaines. Huit mois plus tard, la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice avait reconnu devant le Congrès que «ce cas n'avait pas été particulièrement bien géré».

Mais Maher Arar a perdu lundi son dernier espoir d'obtenir excuses et dédommagement de la part du gouvernement américain. La Cour suprême vient de mettre un point final à sa quête en rendant définitive la dernière décision judiciaire qui déboutait M. Arar.

Son dossier a été sous le feu des projecteurs en raison de l'implication du gouvernement canadien, mais le silence de la Cour suprême donne peu d'espoir à d'autres plaintes du même type actuellement en instance dans des tribunaux américains.

Le principe des «transfèrements extraordinaires», développés par l'administration Bush après le 11-Septembre, était d'envoyer des suspects dans des pays étrangers pour qu'ils y subissent des interrogatoires musclés, en dehors de l'autorité des tribunaux américains.

Autre victime emblématique de ces pratiques, Binyam Mohammed, arrêté au Pakistan et transféré au Maroc où il a subi des interrogatoires musclés, a saisi la justice britannique pour obtenir gain de cause.

«La décision d'aujourd'hui me prive de tout espoir dans le système judiciaire américain, lorsqu'il s'agit de ''sécurité nationale'', le système judiciaire fait le choix d'abandonner son principe sacré, celui de s'assurer que personne n'est au-dessus des lois», a regretté M. Arar lundi dans un communiqué.

L'administration du président américain Barack Obama, qui a banni la pratique des transfèrements extraordinaires à son arrivée à la Maison Blanche, avait conseillé à la plus haute juridiction des États-Unis de ne pas se saisir.

Maher Arar demandait que la responsabilité du ministre américain de la Justice d'alors John Ashcroft et du chef du FBI Robert Muller soit reconnue et accompagnée de compensations. Trois fois, la justice a répondu la même chose, argumentait l'administration Obama: que ces questions relèvent du domaine politique, de la Maison Blanche et du Congrès.

«Cette décision souligne la responsabilité morale du président Obama et du Congrès pour faire en sorte que le traumatisme subi par M. Arar soit réparé», a déclaré son avocat, David Cole.

Se disant «déçu» par la décision de la Cour suprême, l'influent sénateur démocrate Patrick Leahy a jugé que le cas de M. Arar «souille la contribution» apportée par les États-Unis en tant que «champion de la défense des droits de l'homme dans dans le monde».