Méfiant envers la police, le criminaliste Pierre Panaccio a déjà enregistré à leur insu des enquêteurs de la Sûreté du Québec (SQ) venus rencontrer deux de ses clients membres des Hells Angels à son cabinet montréalais.

Ce piège tendu aux policiers est l'un des principaux arguments de la Couronne pour prouver que l'avocat est en conflit d'intérêts. Ce dernier ne peut pas représenter des Hells Angels dans les éventuels procès qui découleront de la rafle historique réalisée dans le cadre de l'opération SharQc, estime la poursuite.

 

Situation rare: Me Panaccio a été appelé à la barre des témoins, hier, à la seconde journée d'audience de cette requête du ministère public devant le juge James Brunton. L'air amusé, l'avocat a raconté avoir reçu deux enquêteurs de la SQ à son bureau après l'incendie criminel du bunker des Hells Angels à Sorel, en octobre 2008. Les policiers y ont rencontré les motards Robert Bonomo et Lionel Deschamps.

Bonomo, membre fondateur de la section montréalaise des Hells, et Deschamps ont été interrogés à titre de représentants de la société propriétaire du bunker. Me Panaccio a candidement avoué avoir enregistré la rencontre avec l'accord de ses clients sans en informer les policiers.

«La confiance ne régnait pas. M. Bessette (l'un des enquêteurs) a rapporté des choses qui n'étaient pas exactes. Une chance qu'on a fait ça. On a pu rétablir la vérité devant la juge Sophie Bourque», a expliqué le criminaliste, hier, contre-interrogé par le procureur de la Couronne, Éric Côté.

C'est que Me Panaccio s'est servi d'un extrait de cette rencontre au moment de l'enquête sur mise en liberté de Bonomo devant la juge Sophie Bourque, en février dernier. Or, à l'époque, il avait refusé - et refuse toujours - de fournir cet enregistrement à la poursuite.

Me Panaccio ne peut plus représenter Bonomo et ses deux autres clients - Yves Leduc et Claude Pépin - puisqu'il pourrait être assigné comme témoin aux procès, soutient la poursuite. De plus, il a déjà défendu Martin Roy, ex-membre des Evil Ones (club-école des Hells sur la Rive-Sud) devenu délateur. Afin que le secret professionnel soit préservé, Me Panaccio doit se retirer, ajoute la Couronne.

Me Panaccio et Martin Roy entretenaient même une «relation amicale» alors qu'ils vivaient dans le même immeuble, selon Me Côté. Cette affirmation a fait rire l'avocat de la défense. «Je suis une personne assez conviviale. Je suis gentil avec tout le monde. Ma définition de l'amitié n'est pas la même que celle de M. Roy», a-t-il dit.

Il a en outre soutenu que ses clients inculpés dans le cadre de l'opération SharQc subiraient un «préjudice grave» s'il devait se retirer du dossier. Les trois motards témoigneront aujourd'hui. Me Panaccio aurait entretenu des liens étroits avec ses clients Hells Angels au point d'avoir partagé le même bureau avec Bonomo pour la préparation de la cause découlant de l'opération Printemps 2001, a révélé plus tôt cette semaine le délateur Martin Roy.

L'opération SharQc a porté un dur coup aux Hells en avril 2009: elle a permis d'inculper 135 personnes soupçonnées d'avoir commis des meurtres dans le but d'éliminer les Rock Machine/Bandidos et de monopoliser le trafic de drogue. Cette guerre, qui a duré sept ans, de 1994 à 2002, a fait plus de 160 morts dans les deux camps.