Un type qui commet quatre meurtres en moins de 10 ans est habituellement un meurtrier en série ou un tueur à gages. Pourtant, Daniel Poirier n'est ni l'un ni l'autre. Pour lui, tuer était une manière de régler un différend ou d'éliminer un problème.

C'est ce qui se dégage de l'audience assez singulière qui s'est déroulée hier devant le juge James Brunton. Court-circuitant son procès, qui devait commencer ces jours-ci devant jury, Poirier a plaidé coupable aux quatre accusations de meurtre non prémédité auxquelles il faisait face.

 

Les meurtres ont eu lieu dans les domiciles des victimes, en différents endroits de Montréal, entre 1990 et 1999. Ces crimes seraient restés impunis si Poirier n'était pas tombé dans le piège que lui a tendu la police en 2008.

Hier, la grande préoccupation du juge Brunton était de s'assurer que l'accusé de 50 ans réalisait pleinement ce qu'il faisait en plaidant coupable. Pour cela, il l'a questionné sur chacun des crimes. C'est d'une voix tranquille et monocorde que l'homme au physique anonyme a raconté comment il avait occis le premier homme avec une carabine, le deuxième avec un marteau et les deux derniers avec un couteau.

«J'étais pour lui parler...»

Le premier meurtre est survenu le 23 novembre 1990, alors que Murat Julien, d'origine haïtienne, a été atteint au visage d'une décharge de fusil de calibre 12, dans sa chambre du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Hier, Poirier a expliqué que Julien avait battu une prostituée, laquelle était venue s'en plaindre auprès de lui. Poirier est alors allé chez Julien. «Au début, j'allais pour lui parler. J'ai eu peur. Je voulais tirer à côté, mais je ne connais pas les plombs. Ça l'a pogné», a dit Poirier, hier, en illustrant du geste le mouvement d'une volée de plombs qui part en éventail.

Quelques mois plus tard, le 30 mars 1991, Sylvain Sauriol, 30 ans, a été tué à coups de marteau dans son logement de la rue Davidson. Poirier lui en voulait pour une quelconque raison. Il s'est rendu chez lui. «J'avais peur de lui. Il est venu pour se lever et crier après moi», a résumé Poirier, hier.

Le 4 mars 1999, André Bouchard, un sexagénaire, a été trouvé étranglé et poignardé dans son logement de la rue Letourneux. C'est un vol qui a mal tourné, a expliqué Poirier hier. «Je voulais lui attacher les mains. Je l'ai étouffé (avec un fil de téléphone), il respirait encore. J'ai fouillé dans le logement, il dormait, mais il respirait. J'avais une cagoule. À un moment donné, il a dit Daniel! Il savait mon nom. J'ai pris le couteau...»

Le quatrième et dernier meurtre s'est produit entre le 4 et le 8 août 1999. Serge Lachance a été poignardé dans son logement de la rue Christophe-Colomb. Il aurait fait l'erreur de vendre de la drogue de mauvaise qualité à Poirier. «Au début, j'y allais pour lui parler. Ça faisait deux fois (qu'il vendait de la drogue de mauvaise qualité). Il a vu que j'avais raison. Il a commencé à me bousculer, ça a fini en bataille. Il y avait un couteau dans le salon...»

En fin de compte, Poirier a reconnu qu'il avait tué ces quatre personnes en toute connaissance de cause, et le juge a fini par accueillir ces aveux. Me Hélène Di Salvo, pour la Couronne, et Me François Bérichon, en défense, plaideront sur la peine vendredi. Le meurtre non prémédité vaut automatiquement la prison à vie, mais il faut établir combien de temps l'accusé devra rester derrière les barreaux avant d'être admissible à une liberté conditionnelle. Cette période ne peut être inférieure à 10 ans.

Mister Big

Soulignons enfin que l'opération policière qui a permis l'arrestation de Poirier était ce qu'on appelle dans le jargon policier un «Mister Big». En fait, Poirier, qui traîne un lourd casier judiciaire, a été invité en 2008 à se joindre à un faux gang criminel qui le rémunérait très bien. Au fil d'une quarantaine de «scénarios», on lui a confié des boulots de plus en plus sérieux, allant jusqu'à un projet de meurtre. Mais avant d'être admis, il fallait qu'il dévoile tous ses crimes au grand patron. Poirier l'a fait, ce qui a causé sa perte puisque les membres du gang étaient en fait des agents doubles de la police.