L'agente Paulina Lopez Clavel se hisse sur la pointe des pieds. Elle attrape un dossier beige déposé en haut d'une étagère métallique et revient s'asseoir à son bureau. «C'est le dossier du Canadien», lance-t-elle.

Nous sommes au poste de police de Puerto Angel, un village de pêcheurs au sud du Mexique. Le «Canadiense», comme les policiers l'appellent, c'est Réal Lemieux, Montréalais assassiné en janvier au village de Zipolite.

 

Dans la pièce exiguë, la chaleur est étouffante. Les armes semi-automatiques des cinq enquêteurs sont accrochées au mur de crépi beige. De la fenêtre, on aperçoit l'océan Pacifique.

Paulina Lopez Clavel ouvre le dossier et sort des photocopies de deux portraits dessinés à la main. On y voit deux hommes qui auraient été aperçus aux côtés de la victime dans les 48 heures précédant le meurtre.

L'un des portraits représente un homme aux cheveux clairs et aux traits fins. La voisine de palier de Réal Lemieux, la Canadienne Maria Nightingale, a fourni sa description. «C'est notre principal suspect», lance le commandant Octavio Bibiano Billalvo. «Et on croit savoir qui c'est», ajoute-t-il, en bombant le torse.

L'étranger

Les policiers pensent avoir affaire à un nomade qui va et qui vient à Zipolite au gré des saisons. Un type d'une trentaine d'années qui a travaillé dans un bar du village l'an dernier et qui dormait sur la plage. «Un étranger», précise le commandant Bibiano.

Près de quatre mois après le meurtre, les enquêteurs ne connaissent que son prénom. Ils savent qu'il s'exprime en anglais, mais hésitent entre les nationalités canadienne et américaine.

Les policiers proposent à La Presse une visite des lieux du crime. Chemin faisant, dans la petite Honda Tsuru du commandant Bibiano, ils en profitent pour questionner les villageois sur leur suspect. L'agente Lopez prend des notes dans son petit cahier orné d'un dessin de chiot.

Aujourd'hui, les enquêteurs croient connaître le nom complet de «l'étranger» et celui de ses parents. Ils savent qu'il est d'origine californienne et doivent sous peu recevoir une photo de lui.

«À la mexicaine»

Rencontré à son bureau de Puerto Escondido, le procureur de la région de la côte d'Oaxaca, Victor Alonso Altamirano, se dit satisfait de l'enquête en cours.

«Elle va très bien, elle est avancée. Je ne peux pas vous dire quand exactement elle sera résolue. C'est... à la mexicaine», dit le jeune avocat.

La police possède des pièces à conviction, souligne-t-il. Elle a saisi une paire de sandales à l'entrée de la chambre d'hôtel. Elles pourraient appartenir à la victime.

Les spécialistes médico-légaux ont rapporté une demi-douzaine de bouteilles de vin, de bière et de whisky. Aucune empreinte digitale complète n'y a été trouvée, indique Me Altamirano. Quant à la technologie ADN, «nous ne l'avons pas», dit le commandant Bibiano.

Deux jours après le drame, la famille de Réal Lemieux a transmis les numéros de série et les photos de l'appareil, de l'ordinateur et du iPod de la victime. Des recherches ont-elles été faites pour les retrouver? «Oui, nous avons cherché, mais nous ne les avons pas encore trouvés», répond le commandant Bibiano.

Le fils de la victime, Éric Lemieux, doute du sérieux de l'enquête. Il a peu d'espoir de connaître un jour l'identité de l'assassin de son père. «C'est évident qu'ils ne le trouveront jamais», conclut-il.