Un résidant de Lachine qui vit sous l'identité d'un autre depuis très longtemps constitue un véritable casse-tête pour la GRC. Après avoir fait chou blanc avec les services d'immigration du Canada et le FBI aux États-Unis, la GRC se tourne maintenant vers Interpol, dans l'espoir de découvrir qui est vraiment le faux Donald Fielder.

Même la femme qui partage la vie de l'homme depuis les cinq dernières années est tombée des nues en apprenant que celui qu'elle appelle affectueusement «Don» ne se nomme pas véritablement Donald Fielder. Il n'est pas non plus originaire de Colombie-Britannique, comme il le prétendait.

«Je ne comprends pas. J'ai l'impression de vivre un mauvais épisode de Law&Order. Je pleure depuis trois jours», a dit Pierrette Dion, la semaine dernière, alors qu'elle témoignait à l'enquête sur la mise en liberté de son conjoint de fait. La GRC a arrêté l'homme de 59 ans à son travail mardi. Aux policiers, il a indiqué que son vrai nom était Peter Michael Filitz. Il a comparu en Cour du Québec, à Montréal, inculpé de huit chefs d'accusation, dont supposition de personne, documents contrefaits et obtention de trois faux passeports depuis 1996, au nom de Donald Arthur Fielder.

C'est justement parce que le véritable Donald Arthur Fielder, résidant de la Colombie-Britannique, a fait une demande de passeport en novembre dernier que le chat a fini par sortir du sac. Un passeport avait été remis en 2006 sous cette identité et le document était toujours valide, s'est aperçu Passeport Canada. L'organisme gouvernemental a aussi établi que deux autres passeports avaient été délivrés au même individu, en 1996 et en 2001. Or, le vrai M. Fielder n'en aurait pas fait la demande. En février dernier, les autorités de Vancouver ont demandé l'assistance de la GRC à Montréal pour mettre le grappin sur le faux Fielder.

L'homme, qui travaille comme installateur pour des expositions, a donc été arrêté mardi. Lors de l'enquête sur sa mise en liberté, un policier de la GRC, Mathieu Lapointe, a indiqué qu'il avait fait des recherches avec les empreintes de celui qui dit s'appeler réellement M. Filitz, ainsi qu'avec sa photo et sa date de naissance. Il n'a rien trouvé à son sujet au Canada, et le FBI n'a aucun renseignement non plus. Une demande doit maintenant être adressée à Interpol, pour faire des vérifications outre-mer. «On ne sait pas de quel pays il vient, il n'a rien dit», a fait valoir le policier.

Bienvenue au Canada

Prenant la parole devant la juge Louise Bourdeau, l'accusé a dit qu'il était originaire d'Allemagne, et qu'il se trouvait au Canada depuis 27 ans. «Je suis arrivé à Toronto en décembre 1983. J'avais 33 ans. J'arrivais de Mexico, où j'avais passé six semaines parce que j'étais très malade», a laissé tomber M. Filitz. Il affirme être entré sous son vrai nom, et assure qu'il n'a pas été informé qu'il fallait un visa pour rester un certain temps au Canada.

«Je suis arrivé, l'officier a étampé mon passeport, et m'a dit: "Bienvenue au Canada"», a résumé M. Filitz. Si l'on se fie à ses brèves explications, il a ensuite vécu à Toronto et dans les environs, où il avait des amis, avant de venir s'établir à Montréal. Il a travaillé, mais jamais sous sa vraie identité, a-t-il admis. Il n'a pas de numéro d'assurance sociale, mais le vrai M. Fielder «en a un», a-t-il fait valoir. Il assure ne pas avoir d'antécédents judiciaires.

Les autorités, notamment l'Agence des services frontaliers, n'ont aucune information sur le passé de M. Filitz, et voudraient bien savoir à qui elles ont affaire. A-t-il fui son pays, a-t-il fait quelque chose, est-il recherché? Une chose est absolument certaine, il est au Canada illégalement. Mme Dion était prête à déposer 2000$ en garantie pour la mise en liberté de l'homme qu'elle a rencontré il y a 5 ans à la bibliothèque de LaSalle, et avec qui elle vit depuis 4 ans. Elle se dit prête à le parrainer, et même à se marier avec lui pour éviter son expulsion. Le procureur de la Couronne, François Allard, a demandé la détention, en raison des risques que l'homme s'évanouisse dans la nature.

La juge Bourdeau a trouvé l'affaire bien nébuleuse et pour le moins particulière. Après un délibéré, elle a décrété que M. Filitz devra rester derrière les barreaux pour la suite des procédures judiciaires. Comme les recherches par l'entremise d'Interpol prennent un certain temps, il reviendra devant le tribunal le 17 mai. De toute manière, si la juge avait autorisé sa mise en liberté, l'Agence des services frontaliers serait intervenue pour le garder à l'oeil.