Sans le dire ouvertement, le juge Gratien Duchesne estime que les joueurs pathologiques se dirigeaient vers une défaite dans leur recours collectif contre Loto-Québec. Voilà pourquoi le magistrat de la Cour supérieure approuve l'entente hors cour intervenue entre les parties.

Le risque de perdre la mise était important du côté des joueurs, écrit le juge dans sa décision rendue hier, et qui vient mettre un point final à une saga judiciaire entamée en mai 2001.

Sans présumer du jugement que le tribunal aurait pu prononcer, il est certain que le fardeau des joueurs de prouver la faute de Loto-Québec était lourd dans la mesure où jamais une telle hardiesse n'avait été tentée dans le monde, ajoute le juge qui a présidé 125 jours d'audience échelonnés sur 14 mois.

Le juge a notamment entendu plusieurs experts internationaux. Tous, à l'exception de celui qui a témoigné en faveur des joueurs, réfutent la théorie selon laquelle l'appareil de loterie vidéo est responsable du déclenchement de la maladie du jeu pathologique, note le magistrat.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'entente hors cour mentionne que la preuve au procès a établi que les appareils de loterie vidéo ne sont pas la cause du jeu pathologique. Une phrase qui a choqué plusieurs joueurs et organismes qui viennent en aide aux joueurs.

De l'avis du juge, l'entente à l'amiable est incontournable compte tenu des probabilités de succès du recours. Une telle entente est dans l'intérêt d'une grande majorité des membres du groupe des joueurs pathologiques, estime le juge.

À ses yeux, l'entente est «juste, équitable, raisonnable, et appropriée dans le meilleur intérêt des membres du groupe, et elle doit être approuvée».

À l'origine, Jean Brochu, ex-joueur compulsif, réclamait environ 800 millions $ à Loto-Québec au nom des 120 000 personnes devenues joueurs compulsifs en s'amusant sur les appareils de loterie vidéo.

Après neuf ans de débat juridique, l'entente à l'amiable prévoit que Loto-Québec remboursera aux joueurs compulsifs le coût défrayé pour une thérapie suivie avant 2002, peu importe le jeu auquel s'adonnait la personne.

Tout légaliser

Me Jean-Paul Michaud reconnaît que la victoire était loin d'être acquise.

«Il y avait certainement un risque aussi pour Loto-Québec pour que l'on nous propose une entente hors cour», de dire celui qui a défendu la cause des joueurs.

Me Michaud ne manque pas de souligner que le juge suggère aux joueurs d'adresser leurs revendications aux pouvoirs autres que judiciaires. Le pouvoir politique, faut-il comprendre.

Mais l'avocat des joueurs ne semble pas trop y croire, soulignant que Loto-Québec se dirige maintenant vers le poker en ligne pour enlever ce jeu d'entre les mains du crime organisé. «À ce compte-là, pourquoi ne pas légaliser la cocaïne et la prostitution qui sont des activités entre les mains du crime organisé?» demande Me Michaud.

Il ne cache pas sa fierté d'avoir tenu tête à Loto-Québec, une des plus grosses entreprises du Québec, ce qui a permis de sensibiliser la population sur les dangers du jeu.