Des Innus ont menacé de poursuivre les autorités fédérales et d'ériger des barricades aux limites du Québec et du Labrador, lundi, dans le cadre d'un litige territorial qui a déjà entraîné la mort d'un chasseur autochtone de la Côte-Nord.

Lors d'une conférence de presse, le chef de Matimekush-Lac John, Réal McKenzie, a déclaré que l'Alliance stratégique innue, qui regroupe cinq communautés québécoises, est résolue à se faire entendre une fois pour toutes, quitte à bloquer le développement des projets miniers ou hydroélectriques qui se multiplient tant au Québec qu'à Terre-Neuve-et-Labrador.

«Le peuple va encore se soulever, a-t-il dit. S'il faut encore y aller par les barricades, on va y aller par les barricades. En parallèle, on va préparer des requêtes judiciaires à l'endroit du gouvernement fédéral où on va invoquer son inaction face à toutes ces questions.»

À ses côtés, le chef du conseil de bande de La Romaine, Georges Bacon, a déclaré que sa communauté a l'intention de poursuivre la Gendarmerie royale du Canada à la suite du décès, l'automne dernier, d'un membre de leur communauté lors d'une expédition de chasse au caribou, dans le sud du Labrador.

M. Bacon, a déclaré que l'homme de 47 ans ne serait pas mort si les policiers ne l'avaient pas empêché d'aller à l'hôpital en bloquant une route.

«Je pense que Jean-Marc Bellefleur, on a causé sa mort en tardant à l'envoyer à l'hôpital», a-t-il dit.

En compagnie des autres chefs innus membres de l'Alliance, M. Bacon a réclamé une enquête sur ce décès, ajoutant que des avocats préparent actuellement des poursuites contre la GRC.

«C'est vraiment criminel, je pense, a-t-il dit. Nous allons déposer des plaintes et faire en sorte que les personnes impliquées soient traitées en justice.»

M. Bellefleur est décédé alors qu'il pratiquait la chasse, avec une trentaine d'autres Innus de la Côte-Nord, sur un territoire où leur accès est contesté par les autorités de Terre-Neuve-et-Labrador.

Selon M. Bacon, les agents de la GRC qui surveillaient la trentaine de chasseurs avaient bloqué la route, empêchant le malade de quitter les lieux.

«Le monsieur était très malade, on le voyait qui agonisait presque, a-t-il dit. Ils avaient fait des barricades avec des tracteurs et de la machinerie lourde et ils ont trop tardé à transporter le malade à l'hôpital de Churchill Falls.»

La semaine dernière, dans le cadre d'une chasse communautaire réunissant 150 personnes à Cache River, au Labrador, l'Alliance a commémoré le décès de M. Bellefleur, dont les causes n'ont pas été précisées.

Le regroupement a réclamé une nouvelle fois, lundi, la signature d'un traité qui garantira aux Innus québécois un accès au Nitassinan, un territoire chevauchant les deux provinces, où ils se rendent depuis des générations.

M. McKenzie a affirmé que les Innus contestent la frontière entre le Québec et le Labrador, qui ne devrait pas les empêcher d'aller chasser le caribou dans la province voisine.

«Il n'y a jamais eu de consentement quand la frontière a été créée dans les années 1929», a-t-il dit.

L'automne dernier, des chefs innus se sont rendus à Ottawa pour dénoncer l'inaction du gouvernement fédéral dans ce dossier. Devant une situation qui stagne, les autochtones québécois ont maintenant l'intention de porter leurs revendications devant les tribunaux, a indiqué lundi M. McKenzie.

«La voie diplomatique est épuisée», a-t-il dit.

Alors que les deux nations innues du Labrador négocient actuellement un traité territorial avec le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, les cinq communautés innues du Québec croient qu'Ottawa doit leur garantir un accès, a indiqué M. McKenzie.

«Le gouvernement fédéral doit prendre les moyens pour régler ces questions politiques, économiques, sociales, culturelles avant la signature du traité», a-t-il dit.

Les cinq communautés qui forment l'Alliance regroupent 12 000 Innus, soit 70 pour cent de la population de cette nation au Québec.

Il y a deux semaines, à Saint-Jean, les Innus de Terre-Neuve ont conclu une entente de principe très détaillée, qui constitue un pas très important vers le développement du mégaprojet hydroélectrique de la Basse rivière Churchill.

Un premier accord de principe, entériné en 2008, offrait aux Innus du Labrador des droits de chasse sur 34 000 kilomètres carrés de terre, ainsi qu'une compensation annuelle de 2 millions $ pour les inondations causées par la construction du barrage de Churchill Falls, il y a 40 ans.

Selon M. McKenzie, Ottawa a le pouvoir d'empêcher que cette entente pénalise les Innus québécois.

«Le gouvernement fédéral doit régler la question des chevauchements entre nous», a-t-il dit.