«Il croit qu'il est une victime. Il ne réalise pas qu'il a un problème. Pour lui, c'est la faute des enfants ce qui s'est passé. Il a besoin d'aide, mais je ne pense pas qu'il puisse faire du mal aux enfants.»

Quelques jours après la prise d'otages qui s'est étirée durant 12 heures vendredi à Laval, la conjointe de l'homme accusé dans cette affaire raconte le contexte dans lequel s'est déroulé l'incident, qui a forcé un déploiement policier d'envergure.Sous le couvert de l'anonymat, cette femme de 37 ans - mère de 12 enfants âgés de 9 mois à 20 ans - nous a ouvert hier la porte de la résidence familiale, rue Conrad.

C'est dans cette grande maison bruyante où de jeunes enfants grouillent dans tous les sens que le long siège s'est joué vendredi, après une altercation qui a dégénéré entre l'homme de 41 ans et sa conjointe. L'individu s'était barricadé avec deux des enfants, un poupon de 9 mois et une fillette de 7 ans, dans une chambre à coucher du premier étage où était rangé un véritable arsenal.

Le forcené s'est livré sans offrir de résistance en fin de journée. Les deux enfants n'ont pas été maltraités.

À la demande de la police de Laval, le groupe tactique d'intervention de la Sûreté du Québec avait dû prendre les choses en main. Un important périmètre de sécurité a été établi et une vingtaine de maisons ont été évacuées.

Ces mesures étaient jugées nécessaires parce que l'homme s'était enfermé dans une chambre où se trouvaient une arbalète et quatre armes longues de calibre 22, 12 et 303 non enregistrées. Mais sa femme est catégorique: l'accusé est malade, pas violent.

Séquelles d'un accident

Il faut selon elle remonter à 2002 pour comprendre. L'accusé, entrepreneur en rénovation, se blesse alors sérieusement dans un terrible accident de la route. En plus des fractures qui l'obligent depuis à se déplacer en béquilles ou en fauteuil roulant, l'homme aurait subi un traumatisme crânien. Il aurait conservé plusieurs séquelles de cet accident, poursuit sa femme, notamment des pertes de mémoire et du stress. «Il fait aussi des crises d'épilepsie», ajoute-t-elle, convaincue que son mari souffre en plus de problèmes de santé mentale.

Depuis l'accident, il n'habite plus avec elle; il vit dans un centre d'hébergement adapté à ses besoins.

Selon elle, une simple dispute autour du lave-vaisselle entre l'homme et un de ses fils serait à l'origine du branle-bas policier de vendredi: «Il était en crise, incliné au-dessus de notre garçon. Il répétait: «Tabarnak! Tabarnak!»» Je l'ai donc tiré vers l'arrière. Il m'a bousculée et est tombé sur moi», raconte la mère de famille. Près d'elle, contre le mur du salon, le petit dernier de 9 mois, un des deux bambins qui été séquestré, roupille dans son parc. Plusieurs pièces de la maison sont sens dessus dessous, des traces de l'opération policière, justifie la mère. Dans l'échauffourée avec son mari, elle a eu le temps de composer le 911. «Il a frappé le téléphone et la ligne a coupé», souligne la femme, qui dit avoir été surprise de voir débarquer les policiers.

Selon elle, le calme était revenu dans la maison à leur arrivée. Elle finissait de préparer les enfants pour l'école, lui était sous la douche. «J'ai dit aux policiers que la situation était maîtrisée, mais ils ont insisté pour voir mon mari.»

À la vue des policiers, l'homme s'est enfermé à double tour dans une chambre, où se trouvaient déjà deux enfants. La femme a suggéré aux policiers plusieurs moyens de désamorcer le problème et de faire sortir son mari, en vain. Comme il avait des armes et que des enfants étaient impliqués, les policiers ont évidemment pris la chose très au sérieux. «Je comprends leur travail, mais j'aurais pu gérer cette situation», insiste la mère de famille, qui qualifie d'«abusive» l'intervention policière.

Heureusement, les deux enfants séquestrés s'en sont sortis indemnes et les autres gardent peu de séquelles de cet épisode.

«Mais ils sont habitués que leur père crie et soit impulsif. Ce n'est pas une vie, pour eux, et c'est pourquoi je ne veux pas que mon mari revienne avant de recevoir de l'aide», laisse tomber la femme, qui espère qu'une évaluation psychiatrique sera offerte à l'homme qu'elle a épousé il y a 12 ans, qui est le père de 9 de ses 12 enfants.

En détention depuis vendredi, l'auteur de cette prise d'otages a été accusé hier de séquestration, de voies de fait, d'entrave et de possession d'armes illégales au palais de justice de Laval. Il sera de retour devant le tribunal aujourd'hui pour l'enquête sur son cautionnement.