Des enquêtes non résolues, dont au moins une concernant un meurtre, seront rouvertes ou réexaminées dans la foulée de l'arrestation du colonel Russell Williams. Ce militaire de haut rang est accusé du meurtre de deux jeunes femmes dans la région de la base militaire de Trenton, en Ontario, dont il était le commandant.

La police réexaminera notamment le dossier du meurtre de Kathleen MacVicar, une jeune femme de 19 ans dont le corps mutilé avait été découvert en 2001 dans un terrain boisé de la base de Trenton, qui constitue le pivot de la Force aérienne au pays. En 2001, M. Williams travaillait à Ottawa et occupait un poste de pilote pour les hauts dignitaires du pays.Par ailleurs, le quotidien The Globe and Mail a indiqué hier que ce sont les traces de pneus de la camionnette conduite par le colonel Williams qui ont mené les policiers jusqu'à lui. Ces traces ont été observées dans la neige près de l'endroit où se trouvait Jessica Lloyd, une femme de 27 ans portée disparue le 28 janvier et dont le corps a été trouvé dimanche dans un fossé du village de Tweed, où le colonel possède une résidence secondaire.

Une reproduction des traces de pneus en main, les policiers ont érigé un barrage routier sur une route de campagne de la région le 4 février. Le véhicule du colonel Williams a été intercepté. Il a rencontré les policiers dimanche.

Lundi, il a été formellement accusé du meurtre prémédité de Mme Lloyd ainsi que de celui de la caporale Marie-France Comeau, 37 ans, une militaire comptant 12 ans d'expérience. Cette dernière travaillait à la base de Trenton depuis six mois lorsque son cadavre a été découvert dans sa maison de Brighton le 25 novembre 2009.

À ces deux accusations s'ajoutent deux chefs d'inculpation de séquestration et deux accusations d'introduction par effraction et d'agressions sexuelles à l'endroit de deux autres femmes. Ces actes ont été commis en septembre 2009 à Tweed. Les détails de ces agressions sont sordides. Les deux victimes dont les noms sont protégés par un ordre de la Cour auraient été ligotées, agressées puis photographiées par l'agresseur.

La police de Belleville, ville ontarienne située près de Trenton, et l'Ontario Provincial Police ont travaillé de concert dans ce dossier. Elles ont aussi reçu la collaboration du Service national des enquêtes des Forces canadiennes. La maison que le haut gradé de 46 ans et sa femme occupent à Tweed a été fouillée, tout comme leur résidence de Westboro, quartier cossu d'Ottawa.

Le colonel Williams a comparu devant la Cour de Belleville lundi. Il reste détenu à la prison de Napanee. Il comparaîtra de nouveau, cette fois par vidéoconférence, le 18 février prochain au tribunal de Belleville. Il sera vraisemblablement défendu par un avocat civil. S'il est reconnu coupable, il ne sera pas accusé de nouveau par la justice militaire. Par contre, cela aura des conséquences sur sa carrière.

En entrevue à Radio-Canada, le conjoint de Mme Comeau, Alain Plante, s'est dit soulagé qu'un suspect ait été arrêté, mais abasourdi que ce soit le commandant de la base. M. Plante est aussi un militaire de carrière.

Étonnant silence des Forces

Hier, alors que nous voulions en savoir davantage sur la carrière de la caporale Marie-France Comeau, qui travaillait comme agente de bord dans les Forces canadiennes, nous avons consulté le site de Contact, le journal officiel de la base militaire de Trenton.

Or, surprise, l'hebdomadaire de 24 pages n'avait consacré aucun article à la mort violente de Mme Comeau ni même à ses funérailles, célébrées le 4 décembre au cimetière militaire national d'Ottawa. Pourquoi?

«Bonne question, a répondu la capitaine Annie Morin, officière d'affaires publiques de la base de Trenton. Je me souviens que nous avions échangé des courriels entre nous, mais ça ne s'est pas rendu dans le journal.»

Le journal Contact publiera-t-il un reportage sur l'affaire Russell? «Nous sommes en train d'en discuter», a-t-elle répondu.

Par ailleurs, la biographie du colonel Russell, qui a été suspendu de ses fonctions, a été promptement retirée du site de la Force aérienne. Dans la section Cadres supérieurs du lien consacré à la 8e escadre (Trenton) des Forces, seule la biographie de l'adjudant-chef Kewin West, commandant en second de la base, est publiée.