Un homme d'affaires mont-réalais bien connu dans la communauté haïtienne, Déjean Victor, a été arrêté pour trafic de drogue en même temps que son frère, Abel, à l'aéroport international de Port-au-Prince, le 30 décembre dernier, alors qu'ils s'apprêtaient à rentrer au Québec. Ils sont soupçonnés d'avoir voulu faire entrer au Canada 2,35 kg de cocaïne.

Déjean Victor, 52 ans, est le président-directeur général du Complexe Cristina, un centre de banquet doublé d'une salle de spectacle populaire auprès des Haïtiens de Montréal. Son frère, Abel Victor, 51 ans, est aussi citoyen canadien.

 

Dans les dernières années, le Complexe Cristina, situé à Saint-Léonard, dans le nord-est de Montréal, a notamment été l'hôte d'un festival de l'humour composé d'artistes haïtiens ainsi que du Festival international de musique haïtienne de Montréal.

Dans un registre plus dramatique, il a aussi été le théâtre d'une fusillade en 1999. Au cours d'une fête de Noël qui réunissait 600 personnes, un homme avait été abattu par balle et un autre avait été blessé. La Presse a tenté de joindre des administrateurs du Complexe Cristina par téléphone et par courriel. Nos demandes d'entrevue sont demeurées sans réponse.

Depuis l'attentat manqué du 25 décembre aux États-Unis, Haïti a haussé ses mesures de sécurité. La police aéroportuaire a ainsi commencé à faire des fouilles au corps aléatoires même après le passage sous les portiques de détection, rapporte le Haiti Press Network sur son site internet. C'est à la suite de l'une de ces fouilles que les frères Victor ont été arrêtés. Ils devaient être interrogés au début de la semaine par le parquet du tribunal civil de Port-au-Prince, selon un autre média haïtien.

Déjean Victor n'a pratiquement jamais eu d'ennuis avec la justice, selon nos recherches. Il a une cause en cours à Montréal pour fraude fiscale en vertu de la loi sur la taxe d'accise. Il doit être de retour en cour en juin prochain. Il a aussi reçu deux amendes dans les années 90 pour des infractions au Code de la sécurité routière. Son frère, Abel Victor, a un seul antécédent judiciaire qui remonte à la fin des années 80.

Le ministère des Affaires étrangères du Canada a confirmé à La Presse que deux citoyens canadiens avaient été arrêtés à l'aéroport de Port-au-Prince le 30 décembre. On a toutefois refusé de les nommer en invoquant la Loi sur la protection des renseignements personnels. «La mission canadienne à Haïti leur offre présentement une aide consulaire», s'est contentée de dire une porte-parole du Ministère, Lisa Monette.

De 2000 à 2004, les trois quarts de toute la cocaïne saisie à l'aéroport de Montréal provenaient d'Haïti, selon un document de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) déposé au procès du gang de la rue Pelletier à Montréal en 2005.

En 2007, La Presse s'était rendue en Haïti pour faire un reportage sur les difficultés qu'éprouve ce pays pauvre, que plusieurs surnomment «la passoire des Antilles», à lutter contre le trafic de drogue. Rencontré dans son bureau à Port-au-Prince, le chef de la police nationale d'Haïti, Mario Andrésol, l'avait admis sans détour: «Je ne vais pas vous peindre un tableau pour vous rassurer. La situation est ce qu'elle est. Nous ne sommes pas un pays consommateur ni producteur. Les trafiquants utilisent Haïti à cause de la faiblesse de nos institutions, que ce soit la police ou la justice.»

Conscient de ses lacunes, Haïti accepte d'ailleurs que les États-Unis y dépêchent des policiers de l'Agence américaine antidrogue (DEA) qui sont libres d'y mener leurs propres enquêtes.