Nicolo Rizzuto fils pourrait avoir été éliminé dans le cadre d'une dispute de pouvoir qui couve au sein de la mafia montréalaise, selon un expert. Il s'agirait d'une attaque directe contre le leadership de son père, Vito Rizzuto.

Pierre de Champlain, ancien analyste à la direction des renseignements criminels de la GRC à Ottawa, doute que l'attentat soit attribuable aux gangs de rue ou encore aux motards.

 

«Ce n'est pas impossible, mais je serais très surpris que ça vienne d'une organisation criminelle étrangère, estime M. de Champlain, auteur de quelques livres sur la mafia. À mon avis, c'est le résultat concret d'une guerre ouverte au sein de la mafia.»

Selon M. de Champlain, l'attentat ne visait pas uniquement Nicolo Rizzuto fils, mais tout le clan Rizzuto. L'assassinat d'un fils est la «pire chose qui puisse arriver à un chef mafieux», dit-il.

«C'est un symbole fort qui témoigne d'une contestation officielle de son leadership», estime Pierre de Champlain. Selon lui, la commande pourrait aussi bien avoir été passée au sein même de la famille sicilienne que de la famille calabraise.

Problème de leadership

La mafia montréalaise fait face à un problème de leadership depuis l'arrestation en 2004 du présumé chef de l'organisation, Vito Rizzuto, Son père, le vieux caïd Nicolo Rizzuto, avait pris la relève en compagnie de membres de sa garde rapprochée, dont son gendre Paolo Renda et Francesco Arcadi.

La situation n'a cessé de se détériorer à la suite de l'extradition de Vito Rizzuto, à la fin de l'été 2006, et surtout de l'opération Colisée, à la fin de novembre 2006. Six canons de l'organisation ont été arrêtés, dont Nicolo Rizzuto père, Paolo Renda et Francesco Arcadi. Nicolo Rizzuto, 85 ans, a été libéré, tandis que son fils Vito devrait l'être en 2012.

«L'opération de novembre 2006 a eu un impact énorme sur le leadership du clan Rizzuto, et ça a créé un certain désarroi, une certaine désorganisation à l'intérieur de la mafia montréalaise, explique Pierre de Champlain. La mafia essaie peut-être de se rebâtir en s'en prenant au fils de Vito Rizzuto.»

L'identité de l'homme qui dirige actuellement la mafia montréalaise demeure toujours incertaine. Les deux noms qui reviennent le plus souvent sont ceux de Salvatore Montagna et d'Agostino Cuntrera. Montagna serait le chef par intérim du clan Bonanno, à New York. Quant à Cuntrera, il avait été reconnu coupable en 1978 de complicité dans le meurtre de Paolo Violi, le numéro 2 du clan calabrais.

Une série d'attentats

L'assassinat de Nicolo Rizzuto fils pourrait avoir un lien avec le meurtre, cet été, du caïd Frederico Del Peschio, un grand ami de Vito Rizzuto. Del Peschio avait été tué à l'arrière de son restaurant du boulevard Saint-Laurent, à Montréal.

La série d'attentats au cocktail Molotov récemment perpétrés contre des cafés italiens du nord et de l'est de la ville pourrait aussi être liée à l'instabilité actuelle au sein de la mafia montréalaise.

«On savait que quelque chose ne tournait pas rond au sein de la mafia, mais l'attentat contre Nicolo Rizzuto le confirme. C'est un grand coup qui ne restera pas sans suite», conclut Pierre de Champlain.

Avec la collaboration d'André Cédilot et d'André Noël