Le trafic de drogue faisait partie intégrante de la vie de Frank Faustini depuis son congédiement d'Air Canada. Mais il avait aussi un faible pour le jeu. Une dette de 800 000$ qu'il a mis des mois à rembourser à la mafia lui a valu une sévère correction dans un bar de Laval.

Trois ans après son arrestation lors de l'opération Colisée, Faustini, 42 ans, est passé aux aveux, hier, en Cour du Québec, sous une accusation générale d'importation de cocaïne. Comme il reste encore certaines formalités à régler dans le dossier, le juge Jean-Pierre Bonin a accepté, à la demande des avocats, de ne prononcer la peine que le 11 janvier.

 

L'enquête de la GRC a démontré que l'ancien bagagiste d'Air Canada travaillait pour Ray Kahno et Chadi Amja, des trafiquants d'expérience qui importaient régulièrement de la cocaïne à Montréal. Kahno, qui parle plusieurs langues, dont l'arabe et le créole, avait des fournisseurs en République dominicaine, en Jamaïque et en Haïti. La drogue arrivait à l'aéroport Montréal-Trudeau - dans des valises ou autrement -, où du personnel complice la récupérait.

Selon des documents produits au tribunal, Faustini a notamment été en contact avec un certain Gogo, décrit comme le principal pourvoyeur de cocaïne de Ray Kahno. Surnommé Oscar ou encore le Jamaïcain, il a échappé à la rafle de novembre 2006. À un moment donné, Faustini et ses partenaires se sont attiré les foudres des dirigeants du clan Rizzuto après que ceux-ci eurent découvert qu'ils avaient importé 50 kg de cocaïne à leur insu afin d'éviter de leur verser la «taxe» convenue pour faire transiter la drogue par l'aéroport. Ils ont dû tous les trois payer une «amende» de 100 000$ pour cet accroc à la règle.

À l'automne 2004, Faustini s'est de nouveau retrouvé en mauvaise posture: il avait négligé de rembourser une dette de 800 000$ contractée pour des paris sportifs sur l'internet. Après avoir été maintes fois mis en garde, Faustini a été convoqué au Bar Laennec, quartier général des jeunes pontes du clan sicilien, où l'un d'eux lui a administré une raclée. Il a eu le nez fracturé et des dents cassés. «I want that fucking money», lui a souvent répété Francesco Del Balso, avant que l'autre passe à l'acte.

Il s'est malgré tout passé plus d'un an avant que l'affaire se règle. C'est que l'ex-bagagiste avait confié ses économies - 1,2 million de dollars gagnés en misant sur l'internet - à un avocat et à un conseiller financier, qui avaient placé le magot dans un paradis fiscal aux Bahamas. Le hic, c'est que les actions choisies sont passées de 1,40$ à... 16 cents. Et il fallait attendre que le placement arrive à échéance.

Cette affaire a pris une telle ampleur que le chef Nicolo Rizzuto a dû s'en mêler, en nommant un médiateur. Dans l'intervalle, Del Balso avait menacé de s'en prendre à l'avocat («I will crack his head», indique-t-on dans les documents judiciaires). La dette a finalement été acquittée au milieu de l'été 2006, peu après l'assassinat à la mitraillette du caïd Richard Griffin, du gang de l'Ouest.

Outre ce différend à propos de la dette de Faustini, Griffin, qui ne s'en laissait imposer par personne, divergeait aussi d'opinion avec les mafiosi siciliens quant au partage des pertes liées à un projet d'importation de 1300 kg de cocaïne qui venait d'échouer. Bien que la police ait une bonne idée de ce qui s'est passé, ce meurtre n'a pas encore été officiellement éclairci.