Une Ontarienne de 61 ans a obtenu une pension alimentaire de 110 000$ cette semaine. Son ex-mari ne lui versera pas cette somme chaque année, mais bien chaque mois.

Dans un jugement rendu mercredi, la Cour supérieure de l'Ontario a accordé cette pension alimentaire qui s'élève à 1,3 million par année. Ce serait la plus élevée jamais accordée au Canada, selon l'avocate de la femme, Me Julie Hannaford.

 

Carol Ann Elgner et son ex-mari, l'homme d'affaires Claude Elgner, ont divorcé en 2007 après 33 ans de vie commune. Mme Elgner a consacré sa vie à élever leurs trois enfants, aujourd'hui âgés de 27, 28 et 31 ans.

Claude Elgner, lui, a acquis une fortune considérable. Propriétaire de sociétés de gestion à Toronto, M. Elgner touche un revenu de 3 à 4 millions par année.

Tous ces facteurs jouaient en la faveur de l'ex-femme, selon Alain Roy, professeur de droit de la famille et de l'enfant à l'Université de Montréal. «Contrairement à «Lola», elle avait tout ce qu'il fallait pour décrocher le gros lot», résume-t-il.

En vertu de la Loi sur le divorce, de juridiction fédérale, le juge doit tenir compte de divers critères dans l'attribution d'une pension. La capacité de payer, la durée du mariage et les rôles des conjoints sont pris en compte. Le magistrat évalue aussi l'ampleur des sacrifices du conjoint demandeur et sa capacité à atteindre l'autonomie financière après le divorce.

Selon Alain Roy, Carol Ann Elgner partait avec plusieurs longueurs d'avance sur «Lola», cette Québécoise d'origine brésilienne dont le procès l'opposant à un riche homme d'affaires a fait couler beaucoup d'encre l'hiver dernier.

«Lola n'était pas mariée, mais si elle l'avait été, l'union n'aurait duré que 10 ans, souligne M. Roy. Ses sacrifices et sa capacité à devenir autonome ne sont pas de la même ampleur non plus.»

Carol Ann Elgner, elle, a fait de nombreux sacrifices, conclut la juge Susan Greer. «La femme ne devrait pas avoir à dilapider ses économies pour payer ses dépenses de vie, écrit-elle dans le jugement obtenu par La Presse. Elle a sacrifié une carrière pour être femme au foyer et mère pour toutes ces années. C'est une famille qui jouit d'une fortune considérable et les deux parties devraient vivre leurs années de retraite avec un mode de vie qu'ils peuvent se permettre.»

Le jugement de la Cour supérieure de l'Ontario demeure conforme avec la jurisprudence canadienne, selon Sylvie Schirm, avocate en droit de la famille. «On voit rarement des sommes si élevées, mais ça ne bousculera pas notre jurisprudence», estime-t-elle. Soulignons que la valeur de la pension accordée à la sexagénaire correspond au tiers du revenu de son ex-mari.

En plus des versements mensuels, Carol Ann Elgner recevra une somme rétroactive de 140 000$ par mois pour compenser ses dépenses engendrées depuis son divorce. Sa pension alimentaire, qui est imposable, lui sera versée jusqu'au procès l'opposant à son ex-mari, dont la date n'est pas encore fixée.

L'avocate de Claude Elgner, Me Karon Bales, n'a pas encore rencontré son client pour discuter d'un éventuel appel. «Nous sommes confiants que, lorsque tous les éléments seront connus, la Cour déterminera la réponse juste», a-t-elle dit.