Leland Kaluza a beau prétendre être un «être artificiel qui n'a pas de corps», c'est tout de même son corps qui est en prison depuis le 8 octobre dernier, pour avoir persisté à se présenter sous le nom de Yoseph Yisraël devant un juge de la Cour du Québec. Pendant que la Cour se demande si Kaluza souffre de problèmes mentaux, ses supporteurs le voient comme un «prisonnier politique».

Avec ses longs cheveux bruns attachés, son complet blanc, sa chemise blanche et sa cravate blanche, Kaluza ne passe pas inaperçu dans le box des accusés. Hier, l'homme de 25 ans jetait des regards amènes à ses supporteurs assis dans la salle, dont certains portent eux aussi symboliquement des vêtements blancs. Un dispositif de haute sécurité avait été mis en oeuvre à l'entrée de la salle, avec cordons et fouille, y compris des journalistes. La rumeur de couloir veut que Kaluza et ses amis forment une «secte». Les amis de Kaluza se présentent plutôt comme un collectif d'artistes qui partagent une vision particulière de la vie et de la spiritualité. C'est dans cet esprit que l'homme né Leland Kaluza dit s'appeler Yoseph Yisraël. Selon de nébuleuses explications, Kaluza serait un être artificiel, tandis que Yisraël serait son être naturel.

Les problèmes de Kaluza avec la justice ont commencé le 21 août 2007. Tard ce soir-là, il marchait dans le secteur du boulevard Décarie en portant un long poteau de signalisation de la Ville de Montréal sur une épaule. Ce n'était pas très discret pour un homme qui transportait dans son sac à dos 180 g de marijuana, une balance, près de 5000 $ et une arme chargée, prête à faire feu, avec une balle dans le canon. C'est ce que les policiers ont trouvé en le fouillant. Arrêté, accusé, Kaluza a pu obtenir sa liberté sous cautionnement en attendant son procès. Celui-ci a été fixé au 8 octobre dernier, devant le juge Gilles Garneau.

Avocat d'un autre système

Arrive ce fameux jour. Lorsque le juge Garneau fait appeler Kaluza. Ce dernier se présente, en disant se nommer Yoseph Yisraël. «Je vais représenter M. Kaluza», dit-il, en soulignant que Kaluza ne peut pas être devant le tribunal car il «n'a pas de corps».

«Répétez-moi ça, là», lui lance le juge, alors que la greffière lance : «Oh boy !» Et Kaluza de poursuivre sur sa lancée, en insistant pour dire qu'il est Yoseph Yisraël. Le juge lui demande s'il est avocat. Yisraël dit oui, mais il n'a pas de carte ni de numéro, car il n'est pas dans le «même système» que le Barreau. Au bout de quelques minutes, le juge refuse de poursuivre plus avant la conversation, et lance un mandat d'arrestation contre Kaluza, qui ne s'est «pas présenté à son procès». L'homme est arrêté en sortant de la salle d'audience, et le juge Garneau ordonne qu'il subisse une évaluation psychiatrique. Kaluza est détenu depuis.

Le psychiatre Jacques Talbot a évalué Kaluza, mais on ne connaît pas encore le résultat. Malgré sa présence à la cour lors des deux dernières audiences, le Dr Talbot n'a pas encore été appelé à témoigner. Kaluza se dit parfaitement sain d'esprit et souhaite sortir de prison. Mais il est pris dans l'engrenage. Il n'a jamais réussi à s'entendre avec un avocat, car il n'en a pas trouvé avec qui il s'entende. Me Gaétan Bourassa, un vieux routier de l'aide juridique, a été appelé en renfort pour conseiller Kaluza.

Hier, le juge Martin Vauclair semblait sur le point de libérer Kaluza, mais il a réalisé qu'il n'en avait pas le pouvoir. Cela devait plutôt se faire à un échelon plus haut, soit en Cour supérieure. Kaluza est toujours détenu et revient devant le juge Vauclair le 17 décembre. D'ici là, il pourrait s'adresser à la Cour supérieure pour tenter d'obtenir sa mise en liberté. Hier, Me Bourassa a aussi évoqué le fait qu'une évaluation psychiatrique doit se faire en 60 jours, et que cette date limite sera atteinte le 7 décembre. L'histoire est à suivre.