De prime abord, le nom de Paul Severe Lamartine ne dit rien à personne, et son arrestation paraît bien ordinaire, si ce n'est qu'il fait partie de la bande du caïd Joseph Ducarme, un proche des gangs de rue qui cherche à imposer sa loi dans le centre-ville de Montréal.

Âgé de 39 ans, Lamartine a comparu en Cour du Québec, jeudi, sous 11 chefs d'accusation d'extorsion et de possession d'armes. Selon la dénonciation déposée devant le tribunal, il aurait, en août dernier, avec un complice, tenté d'escroquer un commerçant montréalais. L'autre suspect, identifié comme Antonio Iannacci, a été mis en accusation il y a peu de temps.

 

À la demande du ministère public, la juge Louise Villemure a ordonné la détention de Lamartine jusqu'à nouvel ordre. Il reviendra devant le tribunal mercredi pour l'enquête sur sa mise en liberté. Sa femme est également accusée en rapport avec la découverte par la police, mercredi dernier, de quatre armes de poing dans leur domicile de la 100e Avenue, à Laval.

Allié de Ducarme

À la police, Lamartine est fiché comme un allié de Joseph «Kenny» Ducarme, accusé dans une affaire de voies de fait. Depuis les deux grandes opérations policières (SharQc et Machine) qui ont décimé les rangs des Hells Angels, le printemps dernier, Ducarme et ses hommes de main s'affichent de plus en plus dans les bars et les restaurants du boulevard Saint-Laurent.

Un colosse, Ducarme, 41 ans, est très connu dans le milieu interlope. Il doit sa notoriété à ses contacts dans les gangs de rue, plus particulièrement ceux d'allégeance rouge. Entouré de ses sbires, tous aussi craints les uns que les autres, il fait sentir sa présence dans les établissements licenciés, de façon à «marquer son territoire», indique un spécialiste de la lutte antigang.

À en croire ce dernier, même si la situation demeure tendue, on est loin de ce qui se passe dans l'est de Montréal, où les attentats au cocktail Molotov se sont multipliés ces dernières semaines. «Pour l'instant, c'est davantage une opération de visibilité et d'intimidation pour le contrôle du trafic de drogue dans des établissements licenciés bien précis», insiste le policier.

Quoi qu'il en soit, comme c'est le cas de tous les truands qui fréquentent le boulevard Saint-Laurent - «là où il y a le plus de fric à faire», comme se targuent les revendeurs de drogue -, les policiers ont à l'oeil Ducarme et ses acolytes, d'où les arrestations des derniers mois. Depuis sa mise en accusation pour voies de fait, Ducarme s'est vu interdire par le tribunal de se trouver dans un large secteur du centre-ville. La cause sera entendue au début de la prochaine année, au palais de justice de Montréal.

Les policiers montréalais ne veulent surtout pas que l'arrivée de nouveaux joueurs comme Ducarme sur le boulevard Saint-Laurent dégénère en conflit, ni même que soit bouleversé le «fragile consensus» qui prévaut entre les diverses organisations actives dans ce coin chaud de la métropole. Parmi elles, on trouve les Hells Angels, la mafia italienne, les gangs de rue et la pègre arabe.