Le trafic de drogue et des dettes pourraient être à l'origine des huit attentats au cocktail Molotov qui ont touché des cafés italiens au cours des dernières semaines, selon les rares personnes qui ont accepté de parler à La Presse, hier.

La plupart des entrepreneurs ciblés dans les dernières semaines restent peu loquaces sur les incendies, tant avec les enquêteurs qu'avec les représentants des médias. Joint par La Presse hier matin, l'un des propriétaires du Bistro Café Charland, attaqué le 29 octobre, a d'ailleurs refusé de discuter des causes possibles des attentats. «Je ne sais pas, OK?» a-t-il affirmé avant de raccrocher.

John Zoumis est l'une des seules victimes à avoir accepté de se confier. Le propriétaire du restaurant Nouba, boulevard Saint-Laurent, croit que son ancien associé était visé par les criminels qui ont deux fois jeté des cocktails Molotov sur son établissement.

Ce partenaire était endetté, dit M. Zoumis. Même s'il lui a montré la porte, dimanche dernier, des malfaiteurs ont pu croire qu'il était toujours lié au Nouba.

«C'est à cause de lui que c'est arrivé la semaine passée, a indiqué M. Zoumis hier midi. Et je pense que ça continue à cause de lui parce qu'ils ne savent pas qu'il n'est plus ici.»

Auprès de qui s'était-il endetté de la sorte? «Je n'ai aucune idée, a-t-il répondu. Et même si je savais, je ne devrais pas vous le dire au téléphone. On va laisser la police s'occuper de cela.»

Trafic de stupéfiants

Selon des spécialistes interviewés par La Presse la semaine dernière, cette vague d'incidents illustre le «fractionnement» de la pègre montréalaise. Des gangs de rue et des petits revendeurs indépendants tentent de se tailler une place dans le trafic de drogue. Ils profitent de la désorganisation des Hells Angels et de la mafia

montréalaise, décimés par les rafles policières.

Boulevard Saint-Michel, où se trouvent deux cafés italiens visés par des incendiaires, des clients continuaient de jouer aux cartes dans les établissements visités par La Presse, hier après-midi. Une employée rencontrée sur place a confié qu'elle ne s'inquiète pas outre mesure malgré la flambée d'attentats dans son quartier. Car les cibles sont surtout des lieux de trafic.

«La majorité des cafés où ça s'est passé, ce sont des endroits où l'on vend de la drogue, a affirmé la travailleuse, dont le café se trouve tout près du café Aviano et du bar Peaches. Ce n'est pas le cas ici.»

Entre-temps, d'autres tenanciers de bars s'inquiètent. Renaud Poulin, président de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec, affirme que les crimes commis depuis quelques semaines rappellent à ses membres la guerre des motards des années 90.

«Ça peut être une question de territoire, un gang qui veut s'imposer, a-t-il indiqué. Il y a toutes sortes de rumeurs qui circulent au sujet de gangs de rue qui veulent prendre la place des Hells Angels.»

La flambée d'attentats préoccupe aussi un tout autre groupe d'entrepreneurs: ceux qui sont d'origine italienne. Giuliano D'Andrea, de l'Association des gens d'affaires et professionnels italo-canadiens, affirme que ses membres sont les premiers à payer le prix de cette vague de criminalité.

Selon M. D'Andrea, l'image des commerçants italiens a déjà été fortement éprouvée lors de la dernière campagne électorale, lorsque des scandales impliquant élus municipaux et entrepreneurs d'origine italienne ont fusé de toutes parts.

«On est en train d'ethniciser ce qui se passe dans des bars à Montréal, a-t-il indiqué. Il y a cette image qui se rattache constamment à la communauté italienne de Montréal, celle du crime organisé.»