Alors qu'il souffre d'une maladie rare des os qui a freiné sa croissance et le confine au fauteuil roulant électrique, Éric Bédard invoquera la précarité de sa santé pour tenter d'éviter son extradition aux États-Unis, où on veut le juger pour avoir coordonné d'importantes livraisons de drogue au Maryland.

Parmi ces livraisons, on trouve celle qui a entraîné l'arrestation et la détention très médiatisée du camionneur Mario Plourde, en décembre 2008. Ce résidant de Saint-Hubert-de-Rivière-du-Loup, qui avait obtenu plus de 300 000$ en prêts et en dons grâce à un appel à tous, a plaidé coupable et est toujours en attente de sa peine. Selon le résumé de la preuve américaine versée au dossier d'extradition de M. Bédard, ce dernier aurait orchestré la vente et la livraison de 100 000 comprimés d'ecstasy, le 12 décembre 2008. La drogue est arrivée dans un entrepôt de Frederick, au Maryland, dans un camion conduit par Serge Loubier. Six jours plus tard, le 18 décembre, M. Bédard aurait fait livrer 110 000 comprimés d'ecstasy et une cinquantaine de livres de marijuana hydroponique au même entrepôt de Frederick. Cette fois, c'est Mario Plourde qui a livré la cargaison. Plourde avait été recruté par Loubier. Il est à noter que dans le résumé de preuve, seuls Bédard et Loubier sont nommés. Les autres acteurs sont identifiés seulement par des codes. Selon les recherches et les recoupements faits par La Presse, il s'agit de Benoît David, Édith Guay, Bruno Bondo et Mario Plourde, qui seront tous appelés à témoigner, s'il y a procès. La Presse a joint le procureur affecté au dossier au Maryland, Christopher J. Romano, pour confirmer les identités, mais celui-ci a refusé de discuter de cette cause.

 

Pour réduire sa peine

La drogue livrée au Maryland devait être payée et prise en charge par Benoît David, un Québécois établi aux États-Unis depuis un certain temps. Bédard ignorait, quand il a commencé à faire affaire avec David, en octobre 2008, que celui-ci s'était mis à la solde de la police et qu'il enregistrait leurs conversations. Dans un article paru le 3 avril dernier dans le journal The Examiner, on signale que David est devenu informateur de police pour réduire sa peine, après avoir été arrêté en juin 2008 pour le trafic de 11 livres de cocaïne. C'est par l'entremise d'Édith Guay que David aurait été présenté à Bédard, à New York en octobre 2008.

Toujours selon le résumé de preuve, lors de cette première rencontre à New York, Bédard a dit être en mesure de vendre et livrer 100 livres de marijuana hydroponique par semaine, à un coût de 1900$ la livre, en plus d'un coût de livraison à New York de 700$ par livre. La marijuana serait cachée dans des remorques de camion. Il pouvait aussi fournir des centaines de milliers de comprimés d'ecstasy, a-t-il ajouté.

«Pendant que j'y pense, les 100 000 pilules, elles sont de deux ou trois couleurs, mais c'est toute la même affaire. C'est juste une question de marketing», aurait fait valoir M. Bédard lors de la première livraison.

Âgé de 34 ans, Bédard dirige une entreprise de prêts, Groupe Financier Union inc. Arrêté en mai dernier à la demande des autorités américaines, il a été incarcéré à Rivière-des-Prairies en attente de son extradition. Mais son avocat, Me Alexandre Bergevin, a réussi à le faire libérer après deux semaines, en raison de son état de santé. M. Bédard souffre de dysplasie fibreuse osseuse, ce qui rend ses os très friables. En raison de cette maladie, il aurait subi 52 opérations majeures depuis sa naissance. Alors qu'il mesure environ 3 pieds 10 et pèse 55 livres, il ne peut se déplacer qu'en fauteuil roulant électrique, car ses bras sont trop courts pour actionner un fauteuil manuel. Comme on ne lui permettait pas de fauteuil électrique en prison, en raison de contraintes de sécurité, il devait être gardé à l'infirmerie, ce qui posait problème. Jeudi dernier, Bédard aurait dû être réincarcéré, mais son avocat a obtenu qu'il reste en liberté jusqu'à la fin des procédures. Me Bergevin compte s'adresser au ministre de la Justice pour empêcher l'extradition de son client.