Le maire d'une ville de 1600 habitants qui s'oppose à la privatisation du dépotoir public de Lachute est poursuivi pour 600 000$. Des entreprises appartenant à la famille Rémillard réclament cette somme à Denis Lavigne, maire de Saint-Placide, parce qu'il a mis en garde les résidants d'autres municipalités contre la gestion privée des déchets.

Le 3 décembre 2008, M. Lavigne s'est rendu en Estrie pour prendre la parole dans une assemblée publique sur l'enfouissement organisée par les AmiEs de la terre. Dans cette région, une entreprise appartenant à la famille Rémillard souhaite bâtir un important centre de traitement des déchets à Asbestos, le Complexe Estrie Enviropôle.

«Si vous avez une régie, demeurez maîtres chez vous, a déclaré M. Lavigne devant 400 personnes. Un citoyen peut toujours parler à un élu, mais à un entrepreneur privé, ce n'est peut-être pas pareil.»

Près d'un an plus tard, l'entreprise réplique par l'entremise de ses avocats. Alors qu'elle estime que sa réputation a été entachée par la sortie du maire Lavigne, le Complexe Estrie Enviropôle réclame 400 000$ en réparation. Sa société mère, la Corporation Maybach, exige pour sa part 200 000$.

«En se présentant à cette assemblée, non pas en sa qualité de maire de St-Placide mais bien en sa qualité personnelle et en tenant de tels propos, (Denis Lavigne) commettait une faute personnelle engageant sa responsabilité», affirme la poursuite, qui date du 30 octobre dernier.

L'entreprise accuse M. Lavigne de lancer des «demi-vérités» sur la place publique. Cela nuit à ses efforts pour convaincre la population d'accepter le projet de 1,5 million.

Un adversaire de longue date

Denis Lavigne n'en est pas à ses premiers démêlés avec les entreprises des Rémillard. Depuis trois ans, il s'oppose à la vente du droit d'exploiter le dépotoir de Lachute à Gestion environnementale Nord-Sud (GENS), une des filiales du groupe.

Le maire Lavigne est l'un des administrateurs de la Régie intermunicipale Argenteuil Deux-Montagnes, le regroupement de quatre villes qui possède le terrain sur lequel se trouve le dépotoir en question. Cet organisme a cédé à GENS le droit d'exploiter le site en 2006.

Après avoir été favorable à la transaction dans un premier temps, Denis Lavigne s'y est finalement opposé. La Ville de Saint-Placide s'est adressée aux tribunaux pour faire avorter la vente, une cause qui doit être entendue en janvier.

Il y a deux semaines, M. Lavigne a indiqué à La Presse qu'il craint la construction d'un troisième centre de transbordement de déchets à Longueuil. Car la firme RCI Environnement, qui pilote le projet, souhaite expédier les déchets qu'elle transformera sur la Rive-Sud jusqu'au dépotoir de Lachute.

Joint hier, Denis Lavigne a préféré ne pas commenter la poursuite intentée contre lui.

D'autres maires poursuivis

L'an dernier, le Complexe Estrie Enviropôle a intenté des poursuites contre la MRC des Sources et les maires de six des sept villes qui la constituent. L'organisme avait adopté un plan de gestion des matières résiduelles qui prévoit qu'un maximum de 50 000 tonnes de déchets peut être traité sur son territoire chaque année. L'entreprise, qui souhaite enfouir de 600 000 à 800 000 tonnes annuellement, estime qu'il s'agit d'une stratégie pour bloquer son projet. La cause doit être entendue à l'automne 2010.