«Ils m'ont frappé à coups de roches, de morceaux de céramique et de bois. Ils étaient beaucoup, j'étais seul, incapable de me défendre...»

Sabah Youness, 23 ans, porte au visage et à la tête les marques de sa violente raclée, reçue hier aux mains d'un groupe de jeunes dans la ruelle un peu glauque qui se trouve derrière chez lui, près de l'école secondaire Saint-Luc, à Notre-Dame-de-Grâce.

Rencontré ce matin dans son logement de la rue Randall, M. Youness soutient avoir été passé à tabac après avoir volé au secours d'une voisine, à qui les jeunes lançaient entre autres des roches. Dans l'embrasure de sa porte, ce matin, la voisine en question nous a par contre livré une version contradictoire des événements. Elle jure n'avoir jamais été importunée par les dizaines de jeunes - entre 20 à 40 selon les témoins - qui traînaient hier dans sa ruelle sur l'heure du dîner, encore moins d'avoir été prise pour cible par eux. «Je n'ai rien à voir avec ces jeunes, je ne les connais pas. J'étais sur mon balcon et personne ne m'a lancé de roches!», affirme la voisine, agitée.

Du côté du Service de police de la ville de Montréal, rien n'indique cependant que le jeune homme n'a pas tenté de secourir une femme avant de se faire battre. Sabah Youness croit que la voisine refuse d'admettre avoir été mêlée à l'affaire par crainte de représailles.

Si la thèse du bon Samaritain agressé pour avoir posé un geste altruiste soulève des doutes, cela n'empêche pas Sabah Youness d'avoir été sauvagement tabassé par plusieurs jeunes, vraisemblablement des élèves de l'école secondaire voisine.

Assis sur un matelas du modeste appartement qu'il partage avec des membres de sa famille, Sabah Youness grille nerveusement une cigarette à notre passage. Un poignard et un tapis persan sont accrochés au mur de la petite pièce enfumée, où sont rassemblés Sabah et quelques proches. Tous écoutent pour la énième fois le récit du jeune homme. «J'étais assis ici. J'ai d'abord entendu beaucoup de bruit et une femme crier provenant de dehors. J'ai regardé dans la ruelle et j'ai vu des dizaines de jeunes. Je suis descendu pour défendre la femme», raconte le jeune homme, qui travaille comme camelot. «J'ai parlé aux jeunes, je leur ai dit d'arrêter de s'en prendre à la femme, pourrait être leur mère, mais les coups se sont mis à pleuvoir», poursuit-il.

Après avoir été frappé par toutes sortes d'objets, même les morceaux d'un vieil évier en céramique, la victime s'est écroulée, inconsciente durant quelques minutes. Malgré des lèvres tuméfiées et quelques ecchymoses à la tête, Sabah s'en tire néanmoins à bon compte. «Je suis chanceux, très chanceux», convient-il.

Il espère que les policiers vont mettre la main au collet de ses jeunes bourreaux. Les autorités tardent d'ailleurs toujours à confirmer si des élèves de l'école Saint-Luc ont joué ou non un rôle dans cette agression. Deux adolescents ont pour le moment été épinglés et d'autres arrestations pourraient suivre. Les responsables s'exposent à des accusations d'agression armée. Des policiers étaient à l'école ce matin, pour y rencontrer des élèves et des membres du personnel. La Commission scolaire de Montréal dit collaborer à l'enquête en cours.

Pour Sabah Youness, l'affaire ne fait aucun doute : des élèves de l'école secondaire l'ont battu. «Et ils n'étaient pas seulement ici hier. Ils sont souvent dans la ruelle ici pour se bagarrer en toute discrétion. La prochaine fois, il pourrait y avoir un mort», prévient le camelot.

Sabah Youness possède un dossier criminel pour diverses infractions, notamment pour possession d'arme et de marijuana, mais assure que ses antécédents n'ont rien à voir avec l'incident.

Sur l'heure du diner, les élèves avaient envahi le terrain de l'école. Une partie de soccer était en cours. Quelques jeunes seulement traînaient dans la ruelle, surtout attirés par les médias qui grouillaient sur place.