«L'un d'eux est allé dans la cuisine, a pris un couteau, l'a placé sous ma gorge et m'a dit: 'donne-moi ton argent!'»

Les traits tirés, les cheveux ébouriffées, la voix haut-perchée, Shoshana Tricot nous raconte avec courage les quinze minutes d'enfer qu'elle et son mari ont vécu hier soir, lors d'un braquage à domicile survenu chez ce couple d'Hampstead, dans l'ouest de l'île.

Mme Tricot, 64 ans, et son mari Yahiskel, 73 ans, ignoraient qu'ils s'apprêtaient à vivre un véritable cauchemar lorsque leur sonnette a retenti hier soir vers 19h15, entre les murs de leur résidence cossue du croissant Wexford.

Un homme seul était sur le parvis de la porte. «Pourrais-je utiliser votre téléphone?», a demandé le visiteur, au travers de la porte.

Prudent, Yahiskel Tricot l'a contemplé par le magnifique vitrail qui orne sa porte d'entrée, pour finalement refuser de lui ouvrir et tourner les talons. «L'homme a alors violemment poussé la porte pour entrer, avant de plaquer mon père au sol, tout en le rouant de coups aux côtes et au visage», explique Michael Tricot, le fils du couple, présent ce matin pour soutenir ses parents.

Près de lui, sa mère se tient debout dans le vestibule, encore en robe de chambre et en pyjama. Son époux, coiffé d'une casquette des Canadiens, est assis devant. Sa lèvre inférieure est tuméfiée. Comme il s'exprime surtout en hébreu, il laisse sa femme et son fils poursuivre le récit de leur mésaventure. Derrière eux, un lustre en cristal immense pend au milieu d'une pièce. «J'étais dans la cuisine quand le suspect s'en est pris à mon mari. Au même moment, un autre suspect a fait irruption dans la maison et s'est dirigé vers moi pour me mettre du ruban adhésif gris sur la bouche», enchaîne Mme Tricot.

Dans l'échauffourée, cette dernière a eu le temps de se ruer dans le vestibule pour appuyer sur un bouton de panique accroché au mur près de la porte. «Un des suspects m'a vu et m'a frappé derrière la tête», explique la sexagénaire. C'est à ce moment que l'homme est allé s'emparer du couteau dans la cuisine.

Après avoir maîtrisé le couple, les deux intrus ont ordonné à leur otage de leur remettre de l'argent, des bijoux. «Ils nous ont ensuite conduit au sous-sol en nous poussant en bas des escaliers. Ils cherchaient un coffre-fort, mais on n'en possède pas», souligne Mme Tricot.

Revenus bredouilles du sous-sol, les agresseurs et leurs otages ont remonté à l'étage. «Mes parents ont été traînés dans leur chambre, avant d'être ligotés avec le fil du téléphone», explique Michael Tricot.

Les suspects ont pour leur part continué à fouiller dans la maison. «Ils étaient nerveux, ils savaient que la police s'en venait à cause du bouton de panique. Un homme faisait le guet près de la fenêtre, pendant que l'autre dérobait de l'argent et des bijoux», poursuit Shoshana Tricot.

Les gyrophares de la police sont apparus quelques minutes plus tard. Les deux voleurs ont aussitôt défoncé la porte arrière pour déguerpir.

Dans leur hâte, ils ont abandonné derrière eux des gants, un masque de ski, un bâton télescopique et une foule d'empreintes digitales.

Pour l'heure, les suspects courent toujours et une enquête policière a été déclenchée pour leur mettre la main au collet. L'un d'eux portait une cagoule noire et l'autre avait le visage à découvert. Comme tout s'est passé très vite, le couple n'a pas été en mesure de fournir une description précise de leurs assaillants.

Mais les deux victimes de cette loterie de la malchance s'estiment chanceux de s'en sortir avec quelques égratignures et une bonne frousse.

Pour les voisins interrogés, la mésaventure des Tricot donne froid dans le dos. Avec leurs maisons spacieuses éparpillées dans des quartiers sans histoire, ils sont conscients d'incarner la cible parfaire des braqueurs à domicile. «Moi je ne laisse jamais quelqu'un entrer, sauf s'il a appelé avant», explique Albert, qui habite à quelques maisons des Tricot. «Et puis, on est très vieux, on ne pourrait pas gérer une telle situation», renchérit son épouse.

De son côté, le Service de police de la ville de Montréal assure que de tels événements sont marginaux.