Agressions au couteau, vols avec violence, altercations à répétition, jeunes femmes intoxiquées au GHB, conducteurs en état d'ébriété et bagarres générales.

L'action ne se déroule pas seulement sur la piste de danse au club Millennium, un bar à la mode qui peut accueillir plus de 850 personnes, à Saint-Léonard, et dont le permis vient d'être suspendu pour 25 jours par la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ). Longtemps hanté par les gangs de rue, le populaire établissement du boulevard Viau fait partie du même vaste complexe que le bar after-hours Mp3.

 

Malgré la présence d'un détecteur de métal à l'entrée et des nombreux employés, dont une vingtaine de serveurs et de portiers munis de walkies-talkies, la police y a répertorié, entre le 2 septembre 2006 et le 20 juillet 2008, une bonne trentaine d'incidents plus ou moins graves. À diverses reprises, les policiers se sont même heurtés à l'hostilité du gérant ou des portiers.

Cela a notamment été le cas le 24 février 2007 à l'issue d'une dispute qui s'est transformée en bagarre générale entre les portiers et des clients. Plusieurs des belligérants ont été blessés. C'est le gérant qui a mis fin à la pagaille. À l'arrivée des premiers policiers, il s'est toutefois montré «peu coopératif», a déclaré l'agent José Bernard, lors de son témoignage devant la Régie.

La même année, des portiers ont aussi lancé «des chaudières d'eau mélangée avec de l'urine» sur trois jeunes femmes qui cherchaient à se faufiler à l'intérieur du Millennium, après en avoir été expulsées. En se présentant sur les lieux, les policiers ont dû intervenir dans une bagarre entre deux personnes. Sous les invectives du gérant, ils ont également dû calmer un portier qui voulait s'en prendre à un client. Les jeunes femmes ont refusé de porter plainte contre les portiers.

Le 14 avril 2007, les portiers sont tombés à bras raccourcis sur un policier de Blainville qui sortait du bar au petit matin. Croyant qu'il venait d'être impliqué dans une bagarre, les employés du Millennium l'ont frappé à coups de pied, même s'il criait son innocence et leur exhibait son insigne de police. Quoique blessé au front et à un doigt, le policier, qui n'était pas en service, a refusé l'aide d'Urgences-santé, indique-t-on dans le rapport de la RACJ. «Il était en boisson, violent et possiblement sous l'effet de la drogue», a relaté le tenancier, Claude Walbrecq, devant le tribunal de la Régie.

Cette violence des portiers n'est rien comparativement à ce qui s'est passé avec deux autres clients, le 15 juin 2008, à la fermeture du Millennium. À la suite d'une bagarre en règle, les deux hommes se sont retrouvés aux soins intensifs d'un hôpital «avec de graves blessures (rate perforée, hémorragie interne, etc.)». C'est sans compter le soir où les portiers ont refusé de porter secours à une jeune femme qui avait perdu conscience à la suite d'une surdose de GHB, dite drogue du viol.

Comme le Millennium a déjà été sanctionné dans le passé, l'avocat de la poursuite réclamait une suspension de permis de 60 jours. Après avoir entendu les arguments du gérant voulant que «le Millennium n'est pas une église, il est normal qu'il arrive des choses», les régisseurs ont estimé suffisant de lui retirer son permis pour une période de 25 jours. «Nul n'est tenu à l'impossible. Dans un établissement avec une capacité de 900 personnes, il est probablement impossible de prévoir et d'éviter tout incident avec ou sans violence», écrivent-ils dans leur décision, tout en invitant les portiers à la modération.