L'ancien chef de la police régionale de Deux-Montagnes, Normand Mastromatteo, a berné tout le Québec en 2002, en s'attribuant le mérite du démantèlement d'une vingtaine de serres hydroponiques découvertes dans des bungalows de la petite municipalité de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.

En réalité, a-t-on appris hier, lors de la sixième journée de son procès en Cour du Québec, à Saint-Jérôme, c'est un informateur de la Sûreté du Québec qui a permis à l'enquête de prendre cette ampleur sans précédent dans les annales judiciaires québécoises.

 

Appelé à la barre, le policier Sylvain Audet, de la SQ, a relaté s'être rendu à Sainte-Marthe-sur-le-Lac dans la soirée du 11 janvier 2002, à la suite de l'appel d'un indic de longue date «qui en sait beaucoup sur ce qui se passe dans le domaine de la culture de marijuana». Résidant de la région, l'informateur s'enquérait de la présence massive de policiers en face d'une résidence du Domaine Mon Rêve, secteur en construction où il savait que se trouvaient plusieurs serres hydroponiques.

En constatant que ses collègues de la police de Deux-Montagnes venaient effectivement de mettre au jour une plantation de marijuana, l'agent Audet, qui travaillait alors à l'escouade du crime organisé de la SQ, a proposé de collaborer à l'enquête en utilisant les services de sa taupe. «Je voulais savoir s'il y avait plus d'une serre, et si on pouvait remonter jusqu'à un réseau», a-t-il dit.

C'est ainsi, le soir même, qu'il avait fait une tournée des rues de Sainte-Marthe-sur-le-Lac avec l'enquêteur au dossier et le fameux... informateur. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, celui-ci avait repéré au moins cinq ou six autres maisons susceptibles de cacher une production de cannabis. «On se déplaçait en voiture et, pour que personne ne puisse la reconnaître, la source avait rabattu sur son visage le capuchon de son kangourou», a indiqué l'agent Audet.

À la demande de Me Jacques Dagenais, de la poursuite, l'enquêteur de la Sûreté du Québec a produit un rapport démontrant que l'informateur n'a pas été payé pour les précieux tuyaux qu'il a donnés ce soir-là. Le policier Sylvain Audet assure également ne pas avoir fourni à quiconque de la police de Deux-Montagnes le nom de code de la source, encore moins son nom ou un numéro de téléphone pour la joindre. L'indic ne relève plus de lui depuis qu'il a été muté à d'autres tâches, en 2005.

De son point de vue, il aurait été souhaitable de corroborer les informations de l'indic avant de pousser l'enquête plus loin, «mais la volonté de la direction de la police de Deux-Montagnes, m'a-t-on dit, était de faire l'ensemble des perquisitions le plus vite possible», a souligné le policier.

Dans les jours qui ont suivi la première descente dans le Domaine Mon Rêve, les policiers de Deux-Montagnes avaient découvert une bonne quinzaine de serres hydroponiques.

Fraîchement arrivé en poste, le directeur Normand Mastromatteo s'était réjoui dans tous les médias du succès de l'enquête, laquelle, disait-il, était le résultat d'un travail de longue haleine. En juin 2003, il avait obtenu 13 550$ de la Ville afin de payer la source 83086 qui avait permis le coup de force mené au Domaine Mon Rêve. Lors de son témoignage au procès, cette dernière a déclaré au juge Jean Sirois n'avoir jamais rien reçu pour ses services.

Hier, Me Dagenais a mis en preuve une autre série de factures de dépenses que M. Mastromatteo aurait faites à des fins personnelles - télévision, minichaîne stéréo, nettoyeur à haute pression. Il fait face à 17 chefs d'accusation de fraude et d'abus de confiance. Le procès se continue aujourd'hui.