Quand il transportait des valises contenant des centaines de milliers de dollars, qu'il prenait un verre avec les gars au bar de danseuses ou qu'on le payait pour surveiller des fourgonnettes censées contenir des cigarettes, Gilles Chagnon croyait faire son apprentissage dans une grosse organisation criminelle. En réalité, il participait à une mise en scène orchestrée par la police pour l'amener à avouer un vieux meurtre.

Le plan a fonctionné. Le 13 décembre 2006, en participant à son 41e scénario, Chagnon a avoué au grand patron de la soi-disant organisation criminelle qu'il avait déjà tué une femme en 1993.

 

Depuis la semaine dernière, Chagnon, 57 ans, est jugé pour ce meurtre, au palais de justice de Montréal. La victime, Danielle Boucher, 37 ans, a été abattue de cinq balles le 3 février 1993, dans sa voiture. Le véhicule et le cadavre ont été retrouvés dans les heures suivantes, sur le boulevard Gouin, à l'angle de la 94e Avenue. Selon la thèse de la Couronne, Chagnon a agi à titre de tueur à gages dans cette affaire, pour laquelle il aurait reçu 8000$.

Pendant des années, le crime est resté irrésolu. En 2006, le dossier a été réactivé et confié à l'unité mixte d'infiltration des crimes majeurs, qui regroupe des agents doubles de la SQ, de la GRC et de la police de Montréal. Ils ont mis sur pied le projet Filasse.

41 scénarios

Déguisés en criminels, ces derniers devaient mener grand train pour faire saliver Chagnon et l'inciter à se joindre à eux. Hier, l'agent qui imaginait les scénarios a témoigné au procès, bien caché derrière des paravents puisqu'il est toujours actif. Il a expliqué chacun des 41 scénarios qui ont été échafaudés entre les mois de septembre et décembre 2006 pour piéger Chagnon.

Au départ, ce dernier a été payé 200$ pour chercher une fille. De fil en aiguille, on lui a confié de plus grosses tâches pour éprouver sa «loyauté» et son «honnêteté» envers l'organisation. Cette dernière faisait prétendument affaire dans les agences d'escortes, les bons du Trésor, les cartes de crédit frauduleuses, cigarettes de contrebande, trafic d'armes et autres activités, mis à part le trafic de stupéfiants.

Pour cette organisation bidon, Chagnon portait souvent des valises bourrées d'argent, qu'on lui demandait de compter. Pour sa peine, il était lui-même payé en argent comptant et recevait de plus une allocation pour ses dépenses. Du mois de septembre au mois de décembre 2006, il a reçu environ 13 000$. Le procès, présidé par le juge James Brunton, se poursuit aujourd'hui avec le témoignage d'un autre agent double.