«Je garde l'argent. C'est moi qui ai tout fait.»

C'est ainsi que l'un des trois adolescents accusés d'avoir tué Kim Ngu Lieu, 67 ans, à Montréal-Nord en mai dernier a réagi après avoir volé et frappé sa victime. L'adolescent de 15 ans a refusé de partager son butin - 170$ - avec ses deux présumés complices, âgés de 16 ans. Plus tard dans la nuit du drame, les policiers qui l'arrêteront trouveront l'argent caché dans ses sous-vêtements.

Cet adolescent a plaidé coupable, hier, à une accusation réduite d'homicide involontaire à la chambre de la jeunesse de Montréal. Il admet être le cerveau de l'affaire. L'air ébranlé, il a aussi reconnu sa culpabilité aux accusations de vol qualifié, de complot pour vol et de possession simple de marijuana (moins d'un gramme).

Une ordonnance de non-publication nous interdit de nommer les trois accusés.

Le 18 mai dernier, l'un d'eux a invité cinq de ses amis, dont les deux autres accusés, à l'appartement de sa mère, à Montréal-Nord. Cette dernière était partie pour le week-end. Il n'y avait pas d'adulte à la maison. Les jeunes ont bu de la bière - la quasi-totalité de deux caisses de 12 et trois bouteilles grand format. Ils ont joué à des jeux vidéo et ont regardé des films, selon le récit qu'a fait la procureure de la Couronne, Karen Ohayon, hier.

Vers 23h30, l'adolescent de 15 ans a lancé l'idée «d'aller taxer quelqu'un» dans la rue pour obtenir de l'argent. Ses deux présumés complices l'ont accompagné. Les autres sont restés à la maison. Le trio parlait fort et semblait excité, selon une passante qui les a croisés rue Saint-Vital, près du lieu du meurtre.

Kim Ngu Lieu venait alors de quitter le gymnase de l'école où elle avait dansé toute la soirée à l'occasion de la fête de fin d'année de son cours de danse en ligne. Elle a marché quelques mètres jusqu'à l'arrêt d'autobus du boulevard Henri-Bourassa pour retourner chez elle.

C'est là que les trois jeunes se sont approchés d'elle, l'ont entourée, «coincés ensemble», a raconté ce témoin, qui se trouvait de l'autre côté de la rue au moment du drame. Mme Ngu Lieu a crié. L'adolescent de 15 ans l'a frappée, puis lui a arraché son sac à main. La victime est tombée par terre, puis a réussi à s'asseoir sur le trottoir, la tête en sang. Le témoin est resté à ses côtés en attendant les secours.

De retour à la maison, l'adolescent de 15 ans, avec ses deux présumés complices, a raconté avoir «volé une vieille dame». C'est là qu'il a dit vouloir garder l'argent puisqu'il avait «tout fait». Il a ordonné aux autres de ne pas en parler sous peine de représailles. Plus tard dans la nuit, vers 3h, cet adolescent et l'un des présumés complices sont allés acheter de la marijuana, toujours dans Montréal-Nord. Un agent de la police de Montréal, à la recherche des auteurs de l'agression, a remarqué leur air méfiant. Il a demandé du renfort et a interpellé les deux jeunes alors qu'ils sautaient une clôture.

«Jamais mon client n'aurait pensé que son geste de pousser la dame aurait pu avoir de telles conséquences», a expliqué Me François Taddeo, l'avocat du jeune qui a plaidé coupable. Son client a subi un choc en apprenant la mort de la victime. Depuis, il éprouve beaucoup de remords, a expliqué Me Taddeo aux médias, à sa sortie de la salle d'audience.

Plongée dans le coma, Mme Lieu est morte deux jours plus tard à l'hôpital du Sacré-Coeur. Selon le pathologiste, elle a succombé à une hémorragie cérébrale résultant d'une chute ou causée par un objet contondant. La preuve révèle qu'aucune arme n'a été utilisée.

À l'origine, l'enquête sur la mise en liberté de deux des trois jeunes, dont le client de Me Taddeo, devait se tenir hier. Or, l'avocat a plutôt annoncé que son client plaiderait coupable en échange d'une accusation réduite d'homicide involontaire. La Couronne a réclamé que l'adolescent subisse une évaluation pour savoir si le juge doit lui imposer une peine applicable aux adultes. Il sera de retour en cour le 3 décembre.

Jusqu'à présent, les deux autres jeunes plaident non coupable à l'accusation de meurtre non prémédité. L'un d'eux sera de retour en cour le 8 octobre pour l'enquête sur sa mise en liberté. À moins d'un autre revirement, les deux jeunes auront leur enquête préliminaire à la mi-octobre.